Philippe Marczewski - Un corps tropical




Philippe Marczewski - Un corps tropical

Cela faisait un moment que je voulais lire ce deuxième roman de cet auteur liégeois sorti en 2021 et qui a gagné le Prix Rossel le même année. Il m'est apparu (enfin) au rayon belge de la bibliothèque mais je vais quand même l'acheter. J'étais très curieux après qu'on m'ait offert son premier opus  de 2019 " Blues pour trois tombes et un fantôme" que j'avais bien apprécié par son air de mélancolie qui erre dans les rue de Liège.
Ici on change carrément d'ambiance avec un "vrai" roman qui m'a tenu en haleine du début à la fin. C'est l'histoire d'un mec ordinaire sans grande ambition, fort naïf mais d'une certaine positivité à toute épreuve. On est entrainé dans ses réflexions et son ennui avec la femme chez qui il vit ainsi que  son enfant. Pour sortir de cette morosité, il éprouve un désir de tropicalité soudain et commence à fréquenter un complexe aquatique où il se sent vivre. Cette chaleur moite, les plantes allogènes, le jacuzzi et la piscine à vague l'ensorcèlent. Il développe un sentiment d'authenticité dans cet univers pourtant des plus artificiels. Sa serviabilité va le conduire à accepter une livraison à Madrid d'un colis mystérieux. De fil en aiguille et de verres de rhum en verres de rhum, il va glisser dans une aventure qui va le dépasser complètement et le mener en Amérique du Sud. Toujours avide de ce fantasme tropical européen, ses déboires prêteront à sourire jusqu'à ce que le ton vire au drame et nous confronte aux réalités moins paradisiaques du terrain. Cette prose nous est distillée en un savoureux mélange de tragi-comique plein d'une certaine poésie du voyage. L'auteur y dénonce de manière subtile l'adage "l'herbe est toujours plus verte chez le voisin", cet attrait pour une vie idéalisée dans la jungle sud-américaine, où l'urbanisé européen rêve d'un monde enchanteur sous les tropiques. On y notera aussi quelques références à la musique cumbia et reggeaton, Klaus Kinski et Alain Bombard.
Je préfère ne pas en dire plus sur l'intrigue que j'ai trouvé excellente et recommande chaleureusement ce (oserais-je le mot) petit chef-d'œuvre?


 

Joël Vernet - Le silence n'est jamais un désert




Joël Vernet - Le silence n'est jamais un désert

Deuxième lecture de ce poète que m'avait vanté Des Livres Rances et je n'ai encore une fois pas été déçu. Poésie en prose s'entend, ouvrage court d'une soixantaine de page qui se lit d'une traite. J'avais pioché au hasard du titre attirant à la bibliothèque et j'ai été plongé dans une réflexion teintée de mélancolie, du temps qui passe irrémédiablement et de ce silence qui rempli nos vies trop banales. Banale au point qu'elle ne mériterait pas une livre? L'écriture permet de s'enfuir de ce silence, de ressasser la vie pour tenter de la revivre réellement a postériori.

" C'est l'absent qui nous parle toujours. C'est l'absence qui nourrit tout amour. Ce qui est là, présent, dans le feu de l'instant, nous ne savons jamais nous en saisir et il s'arrache à nos deux pauvres mains. Des urgences inutiles nous détournent très vite de toute vie. C'est après, lorsqu'il est bien trop tard, que l'on crie son amour devenu désespoir. "


 

Jacques Borlée - De Freyr à l'Himalaya - Les grandes heures de l'alpinisme belge




Jacques Borlée - De Freyr à l'Himalaya - Les grandes heures de l'alpinisme belge

Je ne sais plus trop ce qui m'a poussé à louer ce livre mais je pense que c'était en souvenir de l'excellent "Les conquérants de l'inutile" de Lionel Terray qui m'avait beaucoup plus. Le titre a éveillé ma curiosité sur l'histoire de ce sport qui se rapproche en quelque sorte de la spéléo.
Cet ouvragé paru en 1987 commence déjà a dater et son look désuet, pourtant l'histoire de l'escalade belge de sa genèse à cette année là n'a plus bougé depuis mais il y a sans doute beaucoup à rajouter depuis ces 37 années.

Après un bref aperçu de la préhistoire de l'exploration montagnarde on entre vraiment dans ce qu'on appelé l'alpinisme et le Club Alpin Belge lors de sa fondation en 1883 et de ce qui a motivé sa création. Avec des listes parfois un peu longues, on est plongé pourtant dans un véritable document historique sur ce qui a rempli la vie de ce club plus que centenaire. Des Alpes au Groenland ou encore dans la cordillères des Andes puis au Népal, quelques figures importantes de cette discipline se sont illustrées lors de premières X ou Y. Le néophyte trouvera peut être ridicule cette course permanente à l'exploit en tentant des objectifs dans des conditions de plus en plus handicapantes, mais la passion peut soulever des montagnes ! Quelques aventures parfois tragiques sont racontées avec comme toile de fond les magnifiques rochers du Freyr ou tout le gratin belge et international s'est rassemblé à un moment ou un autre. L'auteur nous fait connaître certaines querelles, problèmes mais aussi exaltations de ce sport qui à l'instar de la spéléologie ne compte pas de compétition, de spectateurs, si ce n'est le propre dépassement de soi. Les fortes personnalités de ses pratiquants a parfois provoqué des étincelles. Le livre est illustré de photos d'époque et d'une longue bibliographie. 


 

Jean-Claude Kaufmann - Le sac, un petit monde d'amour



Jean-Claude Kaufmann - Le sac, un petit monde d'amour

Cela faisait un moment que je voulais découvrir Jean-Claude Kaufmann ce sociologue du quotidien. Spécialiste des normes, des identités, il a osé écrire sur des sujets d'ordre à priori banal. Le choix n'étant pas fort large parmi sa trentaine de publications depuis le début des années 80 à la bibliothèque, j'ai pris "Le sac" un peu contraint.
Je dois dire que j'ai été un peu déçu car le thème aurait pu laisser croire à une étude exhaustive sur cet objet: sac à main, sac de voyage, sac jetable...
Contrairement à David Le Breton qui quand il se lance dans un sujet, fait vraiment méthodiquement le tour de la question, on sent ici une certaine légèreté. Dans un style plus grand public, il n'aborde que le sac féminin tout au long de ces 238 pages. Se basant sur de nombreux témoignages on a l'impression de tourner un peu en rond malgré des chapitres qui veulent aborder des aspects différents. Mystères entourant le sac féminin, poids, contenu bordélique ou au contraire rangé, objet convoité, collectionneuses etc ... on finit quand même par se rendre compte que le sac n'est pas si anodin que cela. Pour la plupart, il a une portée identitaire plus que simplement fonctionnelle.
Il peut être une vu comme un élément ambivalent d'une liberté d'emporter avec soi ce qui nous est le plus cher et le fardeau à trainer des artéfacts que la société veut nous imposer comme indispensables. 



 

Jim Thompson - Pottsville, 1280 habitants




Jim Thompson - Pottsville, 1280 habitants

J'avais noté Jim Thompson dans une coin de ma tête sans encore jamais l'inscrire vraiment dans un projet de lecture, mais heureusement une copine m'a rappelé à son bon souvenir récemment.
Je m'attendais à du roman noir policier classique mais il n'en était rien ! C'est difficile à classer mais en tous cas on peut dire qu'il y a du malsain et de l'humour noir.
Je n'ai toujours pas bien compris pourquoi la traduction française est aussi connue sous le nom "1275 âmes"... soit.
Le personnage principal Nick Corey représente l'égoïsme à l'état pur. On est tenté de pencher pour une grande naïveté, voir d'abrutissement qui s'avère au fil des pages être un grand machiavélisme. L'ambiance est américano-rurale et la narration à la première personne du singulier aide vraiment à nous mettre dans la peau du sheriff de Pottsville. Il est l'exemple parfait du fonctionnaire qui veut en foutre le moins possible car il a d'autres ennuis plus importants à traiter comme son sommeil ou son alimentation que de faire régner l'ordre. Mais attention il veut faire bonne figure auprès des électeurs, car s'il perdait sa place ce serait la fin de son confort. Il a du mal à jongler avec ses différentes maitresses mais fait preuve d'une belle perversité pour arriver à ses fins. On finit par plonger dans la folie mais on a quand même un doute sur le fait que tout cela est peut-être simplement calculé.
Vraiment bien aimé cette première approche, il y 'en aura d'autres ! 


 

Roland Topor - Mémoires d'un vieux con




Roland Topor - Mémoires d'un vieux con

Séduit par le titre et en mémoire du "Locataire imaginaire" lu précédemment, j'ai extirpé des réserves de la bibliothèque cette fausse biographie parue en 1975. Je n'ai pas été déçu par l'histoire de la vie de ce peintre fictif qui commence comme marmiton pour ensuite gravir les marches de la gloire internationale. Il aura influencé quasi tous les courants picturaux, soufflé les scénarios aux meilleurs écrivains et partagé l'amitié des chefs d'état de tous bords. L'Art c'est lui.
L'orgueil exagéré est le fil conducteur de cette vie de succès. Truculent à souhait, on monte de plus en plus dans la mythomanie au fur et à mesure que les années passent...
Un chouette moment de lecture qui m'a filé entre les mains.


 

Michaël Lambert - Buiten




Michaël Lambert - Buiten

Deuxième rencontre avec la prose de cet auteur liégeois avec ce très court et soutenu Buiten paru en 2018.
Il y'a un rythme tout au long de ce court roman presque pamphlétaire, une certaine musicalité pleine d'expressions détournées et même de jeux de mots. On s'attaque aux conventions, aux normes de cette société de consommation qui  est la nôtre et son monde du travail. Aux rôles imposés par un certain sexisme et un contrôle de nos vies, de notre quotidien qui ne laisse d'habitude que peu de place à l'imprévu. On est entrainé dans une joyeuse petite révolution dans la vie de cette famille qui va complètement casser la routine qu'ils se sont imposée. On va se rendre compte aussi qu'il est plus facile de choisir sa destinée quand on vient d'un pays riche que quand on traverse la Méditerranée pour tenter de trouver une meilleure vie.
Chouette petit roman lu rapidement qui prône l'hédonisme et l'anarchie mais qui néanmoins m'a un peu agacé par sa croyance un peu trop optimiste dans le genre humain. 


 

Bruce Chatwin - Le chant des pistes




Bruce Chatwin - Le chant des pistes

Découverte pour moi de Bruce Chatwin cet écrivain britannique qui s'intéressa beaucoup au nomadisme dont l'ouvrage le plus connu est "En Patagonie". La maladie du sida l'arrachera prématurément à la vie en 1989.
"Le chant des pistes" publié en 1988, s'intéresse plutôt à la culture aborigène d'Australie.  Le récit commence par son arrivée à Alice Springs et sa rencontre avec Arkady qui va véritablement lui ouvrir la voie pour tenter de comprendre les principes des chants qui entourent la vie des autochtones. Il se heurte vite à son statut de blanc colonisateur et on comprend au fil de l'ouvrage que les secrets de ces chants des pistes ne se dévoilent pas facilement. Par ses rencontres il tente de décrypter les règles qui régissent ce système complexe de sentiers truffés de symboles, des souvenirs des ancêtres. Tout un mode de pensée qui peut sembler étrange à l'homme occidental mais basé sur l'opposé de la sédentarisation et des propriétés matérielles.  A la moitié du livre on comprend que sa quête va tourner un peu en eau de boudin et que les mystères ne se laissent pas percer aisément. Il va donc partager ses notes qu'il traine depuis plusieurs années et le font s'interroger sur la nature humaine. On passe alors à toutes sortes de situations et de réflexions disparates, de citations pour revenir brièvement à son périple australien. Récit surprenant dans le sens où l'on s'attend à une histoire  de voyage et qu'on se retrouve dans un recueil un peu fourre-tout.