Norbert Casteret - Ma vie souterraine




Norbert Casteret - Ma vie souterraine

Plongée dans ma bibliothèque perso (c'est le cas de le dire) avec cet ouvrage trouvé au hasard d'un boîte à livres sur un parcours de rando du GR 412. Il s'agit d'une autobiographie d'un de ces pionniers de la spéléologie moderne française. Il peut être vu comme un négatif de l'alpiniste Lionel Terray de l'excellent "Les conquérants de l'inutile".
En 1960, à l'aube de la soixantaine, Norbert Casteret bien que déjà auteur de plusieurs ouvrages émérites en la matière, s'est livré sur son passé d'explorateur souterrain. C'est peut être un peu grâce à "Voyage au centre de la terre" de Jules Verne que dans sa prime jeunesse il est tenté de  pénétrer dans les cavités sombres qui avaient pour le commun des mortels sinistre réputation.  Depuis il n'a eu de cesse de passer l'essentiel de son temps libre à arpenter ses environs pyrénéens. Véritable disciple d'Edouard-Alfred Martel (considéré comme le père de la spéléologie moderne), il sera mordu par le virus des profondeurs qui le poussera toujours plus loin les limites de l'exploration. Comme la discipline était fort peu prisée, tout était encore à découvrir.  C'est ainsi qu'il garnit petit à petit son palmarès de découvertes marquantes comme la source de la Garonne, la grotte glacée Casteret, la Cigalière... certaines de celles qui furent pour un temps les grottes les plus profondes du monde. Grâce à lui des découvertes majeures d'art pariétal datées d'environ -20 000 ans furent connues. Heureusement, il put compter sur sa femme Elisabeth Casteret ainsi que plus tard ses enfants dans ses nombreuses expéditions ainsi que sur des acolytes aussi mordus que lui. Comme il le dit lui même sans un travail d'équipe, jamais il n'aurait pu atteindre ces profondeurs. On a du mal à imaginer aujourd'hui ce que devaient êtres ces véritables aventures avec le matériel d'époque: bougies puis lampes à acétylènes, cordes lisses, échelles, mats télescopiques mais c'est bien grâce à l'obstination de ces fous des abîmes que des avancées notoires ont pu être faites dans le domaine. Le livre est très agréable à lire et travaillé, car il tente de ne pas trop s'appesantir sur des détails techniques ou scientifiques qui pourraient rebuter les néophytes.
Petit bémol sur le dernier chapitre où il part dans des délires mystico-chrétiens mais passons. 


 

Dimitri Rouchon-Borie - Le démon de la colline aux loups




Dimitri Rouchon-Borie - Le démon de la colline aux loups

Paru en 2021 aux éditions Le Tripode, ce premier roman de Dimitri Rouchon-Borie frappe fort et me fut conseillé par une copine.
Présenté comme une sorte de journal intime rétrospectif, Duke le rédige en prison et il tente avec son "parlement" simple de raconter sa vie. Le style au début est un peu déroutant, avec très peu de ponctuation, un langage enfantin mais cela ne fait qu'appuyer la force du récit.
On finit par s'y faire et on est presque attendri par ces paroles teintées d'innocence. Peu à peu, on découvre l'horreur de son enfance qui va crescendo. Lors des premiers sévices, il se sent pénétré par le Démon. On plonge de plus en plus dans l'abominable. L'auteur réussit savamment à mélanger la vie passée et carcérale présente et à stopper l'épouvante quand on arrive à la limite de la nausée. Pour reprendre tout en évolution avec cet espoir grandissant plein de naïveté de la rédemption.
On revient toujours à la noirceur profonde malgré une poétique de l'enfance tâtonnante pleine de fragilité candide. Il tente de s'accrocher à la bouée de sauvetage des souvenirs de la seule douceur et chaleur qu'il a pu connaître au contact de ses frères et sœurs, puis de Billy, mais il est sans arrêt hanté par ce sentiment d'échec de n'avoir pu les sauver. Bien que cette lutte entre le Bien et le Mal semble infinie, on a l'impression vers la fin du récit de revenir à une sorte d'équilibre.
Aura-t-il en fin de compte réussi à détruire le germe épanoui du Démon?


 

Raoul Vaneigem - Pour une internationale du genre humain




Raoul Vaneigem - Pour une internationale du genre humain

Ecrivain et philosophe belge, Raoul Vaneigem participa à l'internationale situationniste auprès de Guy Debord et a écrit une ribambelle d'ouvrage des années 60 à nos jours. Je l'ai connu j'avoue, grâce à la reprise de René Binamé "La vie s'écoule, la vie s'enfuit". Puis je suis tombé sur cet ouvrage paru à l'aube du XXIème siècle à une foire du livre.
Contrairement à un Proudhon ou un Kropotkine, Raoul Vaneigem s'offre le recul nécessaire d'une pensée qui a évolué en un peu plus d'un siècle pour la redistiller à la sauce contemporaine.
Il s'agit d'une fronde incendiaire contre le capitalisme et l'économie de marché, l'oppression et par la même occasion contre toutes les religions.
Dès que l'homme a cessé d'être chasseur cueilleur, il est devenu une machine à produire. Le travail est né. D'abord dominé par la crainte de l'enfer psalmodiée par les représentants des dogmes, l'homme a accepté sa vie de souffrance. Avec l'arrivée des Lumières, de l'industrialisation et du capitalisme il a fallu qu'il mérite sa pitance avec cette crainte perpétuelle et cet abrutissement par l'effort. Le capitalisme a jeté les base de l'argent pour l'argent qui devient une pure aberration puisqu' on perd sa vie à la gagner pour pouvoir s'offrir des biens de consommation de plus en plus inutiles et vides de sens. L'idée fallacieuse d'une croissance infinie au détriment de toute forme de vie à fait basculer l'univers dans une autodestruction galopante. Toute la société mondialisée base ses fondements sur l'argent au détriment du respect de la faune et la flore terrestre. Le salut est dans la radicalité contre toutes les idéologies fascistes ou pseudo communistes, contre l'humanisme de pacotille, contre l'humain objet. La sacrosainte Ethique avec laquelle le néocapitalisme actuel tente de nous faire avaler la pilule n'est qu'un leurre qui cache l'ogre avide d'argent vide de sens.
On ferme cet essai sur la fin un peu fatiguant à force de martelage contre le capitalisme avec le sentiment d'avoir vu se dessiner d'abord une trame des idées qui à force de se développer et se répéter avec divers arguments fait apparaître la solide base pour une société humaine où seule la jouissance de chacun et de tous doit primer.
Je termine par quelques lignes parlantes:

" En chacun se fait jour, à travers confusions et inhibition, un extraordinaire sentiment de puissance potentielle, une force de vie qu'il convient de cultiver et qui engage à combattre pour soi avec la certitude de combattre avec et  pour tous.
L'individu possède contre la foule des esclaves volontaires une arme dont l'usage est subordonné à l'option fondamentale à laquelle il est confronté à chaque instant de son existence: ou se laisser entrainer dans l'engrenage de la barbarie, ou se battre sur tous les fronts de l'humanisation totale et offrir aux enfants, aux femmes, aux hommes, aux bêtes, aux éléments végétaux et à la terre la richesse de vie qui est en eux et dont nous sommes loin d'avoir soupçonné les pouvoirs.
Une fois clairement établie la volonté d'assurer partout la souveraineté de l'humain et de la vie comme dépassement de la survie, que le langage assume dans une liberté totale l'extrême diversité à laquelle toutes les époques ont secrètement ou ouvertement aspiré!
N'importe qui a le droit d'exprimer n'importe quelle pensée. Libre au premier venu de défendre ses idées, fussent-elles les plus aberrantes, les plus délirantes, les plus stupides, les plus odieuses, les plus ignobles, à la condition expresse que, demeurant en l'état d'opinions personnelles, elles ne prétendent s'imposer ni aux enfants ni à ceux qui ne souhaitent pas les recevoir. Que tous les monologues soient autorisés mais que l'on sache aussi qu'il n'y aura pas de dialogue avec la sottise et la barbarie.
Rien n'est sacré: chacun a le droit de critiquer, railler, ridiculiser toutes les croyances, toutes les religions, toutes les idéologies, tous les systèmes conceptuels, toutes les pensées. Il a le droit de conchier tous les Dieux, tous les papes, prêtres, prophètes, pontifes, messies et gourous, tous les monarques, chefs d'Etat, d'armée, de justice ou de bureau, tous les maîtres de famille, d'école, de gang et de consortium.
Déliés du pouvoir des mots que nous imposait l'autorité patriarcale, nous dénions désormais tout pouvoir d'action aux mots séparés du vivant. (...)
Préparons nous à anéantir - si possible sans coup férir et par la seule souveraineté du vivant - toute pratique inhumaine, toute barbarie s'exerçant à l'encontre de l'enfant, de la femme, de l'homme, de la faune, de la flore, de l'environnement.
Tolérance sans réserve pour les idées, intolérance absolue pour tout acte inhumain.
La meilleure prévention du crime est dans la destruction de l'argent qui fanatise et corrompt et dans le dépassement des conditions de survie, traditionnellement asservies au profit.
Le passage de la démocratie parlementaire à la démocratie directe ne peut s'opérer que par la victoire de la qualité de vie sur le critère du nombre et la quantification des êtres."


 

San-Antonio - Les doigts dans le nez




San-Antonio - Les doigts dans le nez

22ème de la collection paru en 1956 à peine sept ans après le début de ces formidables condensés d'humour. Comme toujours c'est un régal de se plonger dans ces tournures dingues et ces jeux de mots. On sent que Frédéric Dard commence à assurer son style qui le rendra célèbre. J'essaie de suivre la collection dans l'ordre désormais de ceux que je n'ai pas lu.
L'histoire a finalement peu d'importance, mais pour résumer, il s'agit d'une histoire d'espionnage donc la base provient de la seconde guerre mondiale et de cadavre retrouvé dans un coffre d'une voiture immatriculée dans le Dauphiné.
Santa se retrouve à Grenoble pour tenter de percer le mystère...


 

John Burroughs - Construire sa maison




John Burroughs - Construire sa maison

John Burroughs fait partie de ces américains de la fin du XIVème siècle qui mélangent naturalisme, poésie et philosophie. Ses pères sont encore une fois Thoreau, Emerson, Whitman et avec John Muir, ils ont tenté de poser les bases d'une réflexion profonde sur la nature et la place de l'homme parmi elle. Cultivateur et observateur, il écrivit aussi beaucoup d' ouvrages dont le plus connu est "L'art de voir les choses".
Construire sa maison est un très court essai où il tente une approche d'intégration de l'habitat humain qui serait le plus discret possible. Il rejette même l'idée d'une architecture qu'il laisse aux édifices d'état ou églises. Bien sur, à la fin des années 1800 l'urbanisation n'était pas encore aussi galopante et les règles d'urbanisme n'existaient pas. Il explique qu'il vaut mieux se contenter des matériaux locaux (pierres, bois) au lieu de courir après le tape à l'œil et le style européen de ses ancêtres. Adepte d'une simplicité volontaire, comment pourrait-on se sentir bien dans une maison qui ne correspond pas à son environnement?
Pour finir, énumération de types de pierre et de bois qui conviendront au mieux pour créer un chez soi cosy mais sans exagération.


 

Chuck Palahniuk - Le Festival de la couille




Chuck Palahniuk - Le Festival de la couille

Ce livre m'a été donné un peu par hasard et j'ai voulu m'y plonger sans rien connaître de l'auteur.
Il est pourtant connu pour avoir écrit Fight Club et d'autres romans d'anticipation sociale depuis les années 90.
Ici c'est un recueil d'histoires vraies inspirées de faits qu'il a entendu autour de lui.
On part vraiment dans tous les sens niveau sujets abordés: combats de moissonneuses-batteuses, construction de châteaux en béton, vie dans un sous-marin... C'est parfois un peu inégal, alors que certaines histoires m'ont plu, d'autres m'ont fait passer quelques pages surtout dans la partie "Portraits".  Mais si je peux retenir une chose: un chapitre m'aura donné envie de me plonger dans Ira Levin et des "vrais" romans de Chuck Palahniuk. La dernière partie "Seul" comporte des histoires plus courtes, plus personnelles, plus touchantes.
Lecture variée et légère donc à conseiller pour ne pas trop se prendre la tête.


 

Ralph Waldo Emerson - Société et solitude




Ralph Waldo Emerson - Société et solitude

Sensiblement refroidi et déçu de la lecture de "Nature" j'ai quand même voulu poursuivre la suite de l'édition louée composée de cette série d'essais parus 34 ans plus tard en 1870. Il s'agit ici de réflexions philosophiques sur différents thème qui ont finalement fort peu à voir avec le titre du recueil. Civilisation, art, éloquence, ... les livres, le courage, le succès et la vieillesse sont les sujets développés. Certains m'ont ennuyé, d'autres amené à des réflexions intéressantes. Particulièrement sur la vieillesse. Mais je reste quand même hostile à l'idée d'une destinée humaine utile à la nature et un certain positivisme. Une fois encore il faut remettre ça dans son contexte historique. J'ai vu quelques similitudes un de ses contemporains Walt Whitman que je n'avais pas apprécié une fois encore à cause de ses références sans cesse à cette "bien bonne providence".
Pas sur du tout de retenter un autre ouvrage.


 

Ralph Waldo Emerson - Nature




Ralph Waldo Emerson - Nature

Emerson étant un grand ami de Thoreau, j'ai voulu découvrir la pensée de ce philosophe américain du XIXème siècle considéré comme un des pères de l'écologie et premier philosophe américain. Théoricien de ce qu'on appelle le transcendantalisme, j'espérais y voir un peu plus clair. Thoreau bien que partisan de ce mouvement, était plus orienté sur un certain rejet de la société de son temps et d'une mise en application personnelle de contemplation de la nature.
Il faut remettre Emerson dans son époque qui n'était pas encore envahie par l'industrialisation galopante, la domination du pétrole et toute la pollution moderne découlant de ces "progrès". On a du mal à s'imaginer dans un monde encore relativement épargné par les ravages avides de l'humain.
Sa prose est pleine d'envolées poétiques et il a su découper son récit de courts concepts qui après le premier chapitré s'éloignent de plus en plus de ce qu'on imagine de la "Nature". C'est plus un réflexion profonde sur la nature humaine.
L'homme fait partie de la même matière que les autres éléments de la nature qui l'entoure et serait donc à même de déchiffrer la grande compréhension des choses. D'après lui, l'homme a été créé pour l'appréhender et serait un peu au dessus de tout puisque seul son esprit éclairé peut lire le grand projet divin de la mécanique du monde.
Les convenances de la nature seraient précisément faites pour servir l'homme dans un dessein commun d'élévation de celui ci.
La beauté serait d'essence présente dans la nature pour satisfaire son admiration par l'homme.
Là ou je suis d'accord c'est que la plupart des gens ont perdu la notion de contemplation des beautés de la nature car il ne savent tout simplement (ou ne prennent pas le temps) de regarder. Mais pour moi l'esthétique est une notion toute subjective, certains y étant plus sensibles que d'autres mais ce n'est certainement pas une fin en soi.
"Ainsi l'art est la nature passée à l'alambic de l'homme". Cette citation m'a quand même fait sourire.
Je ne suis pas linguiste mais ne suis pas certain que l'arbitraire du langage humain soit directement inspiré de la nature. C'est pourtant l'idée qu'Emerson développe: le langage nous serait directement dicté par le déterminisme divin pour interpréter et échanger sur cette extraordinaire machinerie.
"La laine (est bonne) à être convertie en vêtement". Là encore personnellement je ne suis pas du tout d'accord que la laine des moutons ait été créée pour satisfaire le besoin en habits de l'homme. L'homme a simplement tiré parti de sa domination sur le mouton pour exploiter sa laine à son profit.
" La nature est médiate. Elle est faite pour servir. Elle se plie à la domination de l'homme, aussi bénévolement que l'âne qui portait notre Sauveur. Elle offre tous les royaumes à l'homme, aussi bien que toutes les matières qu'il peut convertir en choses utiles."
Je perçois dans toutes ces idées un anthropocentrisme nauséabond.
Heureusement que ce premier essai de ce penseur américain était si court sinon je l'aurais sans doute refermé avant la fin qui en conclusion justifie toutes ces pensées panthéistes auxquelles je n'adhère pas. N'est-ce pas quand même intéressant de se confronter à des visions divergentes?



 

Werner Herzog - Le crépuscule du monde




Werner Herzog - Le crépuscule du monde

Réalisateur et acteur allemand il a aussi publié quelques livres dont celui ci. Le titre de cet ouvrage sorti en 2021 m'a attiré et j'ai été pris par ce court roman inspiré de l'histoire vraie de Hiro Onoda.
Ce soldat japonais a vécu 30 ans entre 1944 et 1974 sur l'île de Lubang aux Philippines mandaté par ses supérieurs à opérer une guérilla dans la jungle alors que le Japon se retirait de là.
Sauf que la guerre a fini en 1945, puisque les Japonais se sont rendus sans conditions aux américains suites à Hiroshima et Nagasaki, et que le lieutenant Onoda a continué à croire qu'elle continuait...
Histoire assez incroyable d'un patriote qui a cru servir son pays dans un conflit qui s'était terminé. Dans un état de stress permanant, il a usé de tous les subterfuges pour survivre tout en faisant abstraction des "faux indices" qui annonçaient la fin des combats.