Jack London - Le peuple de l'abîme




Jack London - Le peuple de l'abîme

Paru en 1903, cet essai s'est construit alors que l'écrivain américain avait été envoyé à Londres pour couvrir la Guerre des Boers. Comme à son arrivée la guerre était finie, il a l'idée de raconter la misère dont il n'a que peu entendu parler, tout simplement parce que personne n'en avait cure. Cela peut être perçu comme une forme de tourisme morbide, mais Jack London va vouloir se plonger véritablement dans l'enfer du quartier de l'East End pour y vivre au plus près de ces laissés pour compte. Il va donc véritablement jouer au clochard pour rapporter un maximum de précision et de vécu. Pour se faire il va se vêtir de haillons et il voit directement qu'on le considère différemment dans la rue. On pourrait comparer cet ouvrage à Georges Orwell et son "Dans la dèche à Paris et à Londres" de 1933, mais personnellement  j'ai trouvé ce dernier plus honnête, sombre et percutant. Peut-être est-ce du au fait qu'Orwell était vraiment pauvre et à vécu la vraie dèche contrairement au simulacre de London.
Je ne m'attendais pas à un tel plaidoyer contre la gestion désastreuse de sa population londonienne par le plus grand empire du monde.
Alors que ça débute avec un récit plus ou moins linéaire, les nombreuses digressions, extraits de presse, statistiques font perdre le fil à tel point qu'on dirait que l'auteur se perd lui-même dans sa révolte et qu'il n'y a pas vraiment de fin. Les redondances sont parfois un peu lassantes mais sans doute est-ce pour mieux servir la cause de cet ouvrage qui avait la vocation de réveiller les consciences. Quelques scènes horribles décrivent les conditions de vie d'indigence extrême d'une surpopulation entassée dans la crasse la plus noire. La nuit, des hordes de semi-bêtes bipèdes battent le pavé sous la pluie pour ne pas s'endormir. S'ils s'accordent du répit, ils sont directement chassés par les bobbies qui ne tolèrent pas la vagabondage. Hypocrisie d'un système qui ne sait pas quoi faire pour endiguer le problème alors qu'en journée ils ont le droit de siester. Il y 'a bien trop de travailleurs sur le marché, les salaires s'effondrent et ce peuple entre dans une cercle vicieux qui mène aux bas fonds de l'existence sans aucun espoir d'un avenir lumineux. L'alcoolisme est la seule bouée de sauvetage, mais celle ci est plombée et ne fait qu'accentuer la chute.
C'était donc une première approche de cet auteur de renom, qui laisse un sentiment de gâchis pour une certaine tranche de l'espèce humaine qui bien que rébarbatif à certains moments me donne envie d'essayer d'aborder d'autres de ses écrits à l'avenir. 


 

Lucrèce - De la Nature




Lucrèce - De la Nature

Plus souvent nommé "De la Nature des choses" car il est traduit du latin "De rerum natura", il s'agit d'une œuvre composée de six livres qui contiennent 7400 hexamètres dactyliques.
Pour être plus clair, c'est un long poème (ici traduit en prose) écrit par Lucrèce ce philosophe du Ier siècle avant JC et qui fut un adepte du grec Epicure. Comme c'était la coutume à l'époque, les grands courants de pensées philosophiques s'opposaient parfois dans de virulents débats et ici il critique surtout les stoïciens. J'avoue qu'il ne m'a pas été simple de m'accrocher avec ces quelques 300 pages qui tentent d'expliquer comment le monde fonctionne, mais elles m'ont fait plonger dans des réflexions exhumées de l'antiquité.
Les sujets abordés vont de la physique de l'atome à la constitution des corps, l'âme humain et la crainte de la mort, la vie intérieure et l'amour, jusqu'à la création du monde et son histoire avec les hommes, pour terminer sur les phénomènes physico-météorologiques et les fléaux.
Il était quand même amusant de voir avec quels raisonnements à l'époque on tentait d'expliquer le monde qui nous entoure et les mystères qui nous constituent. Il y'a pas mal de scepticisme et d'interrogations, preuves que Lucrèce ne pensait pas détenir la vérité absolue des choses. Il considère la mythologie de son époque comme une vaste fable et ne croit pas à une conscience divine quelconque.
Pas fâché donc de m'être accroché jusqu'au bout, malgré plusieurs moments d'harassement, dans cette pour moi première vraie plongée dans la littérature du fond des âges.


 

San-Antonio - Des gueules d'enterrement




San-Antonio - Des gueules d'enterrement

Je me suis rendu compte que cela faisait 25 livres que je ne m'étais pas octroyé cette excellente sucrerie qu'est un San-Antonio ! Je me suis donc délassé tout au long de ce 24ème épisode du célèbre commissaire sorti en 1957. Ici nous restons à Pantruche pour une histoire qui démarre avec Bérurier qui achète une appareil photo aux puces pour le mariage de son beauf. On découvre une pellicule dedans et un agent zélé le fait développer. La photo montre un homme vraisemblablement mort. S'en suit toute une enquête pour retrouver qui est ce mystérieux personnage. Quelques bonnes poilades avec notamment ceci "Furax comme un suppositoire fourvoyé dans une bonbonnière" ou encore "Mauvais comme un  cheval dont le postère a servi de cendrier à un fumeur de cigare"


 

Guy de Maupassant - Pierre et Jean




Guy de Maupassant - Pierre et Jean

Je continue l'exploration des œuvres de Maupassant avec son quatrième roman publié en 1887. On est ici dans un roman dit psychologique et réaliste qui nous narre l'histoire de deux frères dont les prénoms sont Pierre et Jean vous l'aurez deviné!
Au sein de cette famille à l'apparence paisible se cache un terrible secret d'adultère dont le père ne se doute pas. Un beau jour Jean hérite d'un ami de la famille d'une belle fortune. Immédiatement la jalousie s'installe au sein de la fratrie qui va conduire l'ainé Pierre dans une profonde introspection qui l'amènera à percer le secret familial. S'instaure alors une ambiance lourde presque insoutenable qui va conduire à une véritable torture psychologique. Le fin de ce court roman se présente un peu comme il a commencé de manière paisible dans une champ lexical de la mer normande.
Une fois de plus une narration menée de main de maître avec de véritables chapitres construits tel un puzzle parfait dans un rythme savamment orchestré.

 

Abdu Gnaba - Anthropologie des mangeurs de pain




Abdu Gnaba - Anthropologie des mangeurs de pain

Etant parti d'une discussion sur le pain, je me suis demandé si on avait écrit sur le sujet et je suis tombé sur cet essai dont le titre qui peut prêter à sourire résume bien le sujet.
L'auteur anthropologue a enquêté en France (nation ô combien associée au stéréotype du pain) et aborde différents aspects de cet aliment qui n'en est pas juste un. Il suffit de voir le nombre d'expressions qui en parlent pour s'en convaincre.
On peut rencontrer différents profils de mangeur de pain outre les différences de générations, certains y voient un simple produit de la table roboratif alors que d'autres une source de plaisir. Les occasionnels ou les indéfectibles, les adeptes du "naturel" forcément lié au "bio" etc
C'est d'abord une denrée narrative, en effet chacun a sa petite histoire à raconter sur le pain souvent associé à une certaine idée de passé. Il est souvent lié au partage, au noyau familial, à l'identité d'une région rurale ou urbaine. Mais on voit aussi que souvent il y a une image qu'on peut se forger d'une supposée qualité qui serait supérieure à la campagne alors qu'on assiste de plus en plus à une globalisation. Vient alors la notion de "tradition" et d'authenticité qui sont des concepts fort subjectifs. Une fois encore la société devient de plus en plus personnalisée et on cherche à plaire de plus au goût individuel plutôt qu'à satisfaire les masses.
Avec ses nombreux témoignages, l'ouvrage se termine sur la conclusion qu'au final le mythe de "c'était mieux avant" n'est pas du tout dans une tradition figée. Au contraire ce qui fait office d'authentiquement traditionnel a toujours en son temps (proche) été une révolution vue d'un mauvais œil par les puristes. La fin du débat qui opposait La baguette (parisienne) versus la grosse miche (campagnarde) de pain ne date que de la seconde guerre mondiale. C'est à ce moment relativement contemporain que le baguette est devenue symbole de la tradition.
La tradition c'est en fait une base du passé avec un regard constant vers l'avenir qui se transforme sans cesse.
En définitive un chouette essai léger sur un sujet pour le moins croustillant.


 

Alex Ratcharge - Raccourci vers nulle part




Alex Ratcharge - Raccourci vers nulle part

Cela faisait un petit bout de temps que je voulais me plonger dans ce roman punk, un malheureux concours de circonstance a voulu qu'il me passe dans les mains ...
Je me suis un peu retrouvé dans cette histoire de jeune punk dénommé Pierrot à peine dans la vingtaine qui subit le monde qui l'entoure. Ses parents ne sont bien évidemment pas en accord avec sa philosophie et n'apprécient pas qu'il considère leur maison comme un hôtel juste bon à l'héberger en lendemain de veille. Il y a aussi un secret familial, une sorte d'omerta que le jeune homme passera une partie de sa vie à tenter de percer. Le monde des squats, des concerts, des beuveries finiront par laisser quelques séquelles au mental du protagoniste. Ses amours ne seront pas un long fleuve tranquille ce qui le plongera de plus en plus dans le néant. L'auteur arrive à faire monter au fil du récit une sorte de suspens qui atteindra son acmé vers la fin. Des prises de consciences, des injustices ponctueront les frasques de ce rejeton issu de la classe moyenne et jeté en pâture dans le pseudo anticonformisme du Punk. Un premier roman fort bien ficelé pour cet écrivain qui officie le plus souvent dans le monde des fanzines et la culture alternative .
Je vous le conseille donc fortement car il y a des chances que vous vous y retrouviez ne fut-ce qu'un peu !