Germaine Tillion - Le harem et les
cousins
Attiré par ce livre cité par
David Le Breton dans son "Anthropologie des visages", surtout pour
avoir quelques éclaircissements encore sur l'origine du voile musulman, me
voici embarqué dans une étude ethnographique (résumée) des mœurs en matière de
reproduction au fil de l'histoire humaine.
Germaine Tillion ethnologue et résistante française (1907-2008) qui a étudié au
grés de ses travaux différentes facettes des comportements humains, a publié
plusieurs ouvrages dont celui ci en 1966.
Ce n'est pas peu dire que le monde a évolué depuis près de soixante ans, mais
l'histoire recèle parfois des surprises et j'ai voulu connaître un peu de la
pensée d'une femme qui a vécu dans la première moitié du XXème siècle.
En fait le vrai propos de cet essai est de montrer que ce n'est pas tant la
religion qui a forgé les pratiques d'avilissement de la femme, mais les mœurs
de cette époque ancrées depuis plusieurs millénaires dans la région qui a vu
naître la révolution néolithique.
Il n'est pas toujours facile de déceler la vérité historique, preuves
archéologiques à l'appui et déduction qu'on peut avoir à la suite d'observation
de terrain. C'est pourquoi elle tente d'apporter un regard à la fois
ethnographique, ethnologique, anthropologique et sociologique.
On débute avec un parcours de la Préhistoire et ses millions d'années d'une durée
qui semble infinie et peu sujette aux spectaculaires avancées, mais qui s'avère
avoir été une époque d'égalités des sexes. Le nomadisme de rigueur va doucement
glisser vers le sédentarisme avec la "ville", l'agriculture,
l'élevage puis le début des grandes conquêtes. Cela se fait dans la région du
croissant fertile, grosso modo le pourtour méditerranéen. C'est ce qu'on l'on
nomme communément le début Civilisation par opposition aux peuples dits
"sauvages" du reste du monde.
Et bien figurez vous que les mœurs de
ces peuples qui ont inventé les trois grandes religions monothéistes (judaïsme,
christianisme et islam) étaient basées sur l'endogamie. Ce changement étrange,
contraire aux pratiques exogames passées de quasi tout le reste de l'humanité
"barbare", va même jusqu'à franchement se confondre avec l'inceste.
Ces grands désirs
expansionnistes, n'étaient pas en usage aux temps préhistoriques où l'on avait
la sagesse de ne pas trop faire d'enfants car la chasse et la cueillette ne
devaient pas souffrir d'excès au risque de conduire à la disparition totale des
ressources. Il faut aussi admettre la forte mortalité qui devait être
habituelle.
Cela n'a pas empêché l'éradication de la plupart des grands mammifères mais
c'est un autre sujet. La promiscuité des cités a aussi provoqué une
augmentation de la mortalité infantile et le développement de maladies.
Il semble que l'échange de progénitures entres "tribus" ait permis un
brassage génétique et des interactions propices à une évolution lente. La proximité
des habitants d'une ville ont apporté une meilleure communication mais aussi le
début des problèmes. Les sédentaires sont devenus de plus en plus nombreux et
les sociétés tribales de plus en plus disloquées. Pour sauver la pureté de son
sang, il est plus commode de s'accoupler en famille...
C'est écrit dans la Genèse 20-12 "De plus, c’est vrai qu’elle est ma sœur, la fille de mon père mais non celle de ma mère. Et elle est devenue ma femme."
L'histoire des rois d'Egypte, surtout la dynastie lagide, est une véritable
saga de tribulations incestueuses avec de multiples unions entre frères et
sœurs, grand père et petite fille etc etc.
C'est donc tout naturellement que ce genre de mœurs soient considérées comme logiques
pour les régions du pourtour méditerranéen.
C'est même un moyen de renforcer les liens familiaux, d'asseoir son influence
et agrandir son cheptel mais aussi conserver l'héritage familial.
" Les gens aiment épouser la fille de leur oncle paternel, comme ils
aiment manger la viande de leur élevage".
Le mariage avec sa cousine ou son cousin semble même toujours faire partie d'un
certain idéal de vie. De véritables guerres de clans se sont succédées au fil
des siècles quand un prétendant étranger voulait ravir la vierge destinée à un
mariage intrafamilial ou qu'un crime venait salir l'honneur et ce sur plusieurs
générations.
On en arrive aux préceptes des livres saints comme la bible et le coran qui
nous allons le voir sont suivis par ses adeptes "à la carte".
En matière d'héritage, le coran a tenté une approche plus "féministe" en accordant une demi
part d'héritage à la femme et une part à l'homme. On s'efforce d'emberlificoter
tout cela pour son propre arrangement. L'islam a conquit aussi bien la dévotion
des Berbères, Touaregs, Kabyles, Maures
etc... mais ceux ci ont plus ou moins appliqué les lois coraniques selon leur
bon vouloir, s'accusant mutuellement d'être des infidèles.
En pratique la transmission d'un demi héritage à la femme n'a presque jamais
été appliquée. Pour éviter les convoitises, il faut enfermer la femelle en vue
de mariage arrangé.
Saint Paul dit :Corinthiens 11:34
"-Si donc une femme ne met pas de voile, alors, qu'elle se coupe les
cheveux ! Mais si c'est une honte pour une femme d'avoir les cheveux coupés ou tondus,
qu'elle mette un voile.
-L'homme, lui, ne doit pas se couvrir la tête, parce qu'il est l'image et la gloire
de Dieu ; quant à la femme, elle est la gloire de l'homme.
-Ce n'est pas l'homme en effet qui a été tiré de la femme, mais la femme de
l'homme ;et ce n'est pas l'homme, bien sûr, qui a été créé pour la femme, mais
la femme pour l'homme.
- Voilà pourquoi la femme doit avoir sur la tête un signe de sujétion, à cause
des anges."
De plus Paul ordonne aux esclaves "d'obéir à leur maitre comme au
Christ".
Les velléités originelles ont pris diverses tournants selon les régions.
Alors que le pourtour méditerranéen semblait fertile aux idées virilistes, la notion
de jalousie et d'honneur, dans le Nord de l'Europe, la femme avait quand même
le statut juridique d'une "personne".
Le christianisme a quasi disparu du Moyen Orient pour conquérir toute l'Europe,
pourtant si l'on s'en réfère à la bible il faudrait perpétuer l'esclavage et le
voile chez les femmes. Or l'esclavage a disparut depuis le XIème siècle dans la
chrétienté et le port du voile n'a pas été appliqué que jusqu'au siècle dernier
dans le Sud de l'Europe. Ce n'est pas pour ça que la condition de la femme est/était
fort enviable, entendons nous bien! Mais les mœurs plus progressistes nordiques
ont sans doute calmé la radicalité chrétienne.
Dans le monde musulman au début du XXème siècle, alors que dans les villes
mélangées le port du voile avait tendance à se clairsemer, on assiste a un
regain de claustration dans les communautés rurales. Certaines tendances
politiques ont tenté de freiner ce signe ostentatoire d'inégalité.
L'essai s'arrête en 1966 donc, mais c'était sans compter sur le retour en
arrière obscurantiste dont ces six dernières décennies ont été les victimes
dans certains pays notamment avec l'insinuation des idées des Frères Musulmans.
Voilà donc des informations qui nous montrent que le voile ne provient pas
juste de l'islam.

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