Emil Cioran - La chute dans le temps
Pour continuer dans le sombre et se
donner une solide dose de désespoir, rien de tel qu'un bon Cioran!
Celui est paru en 1964 et enchaine plusieurs petits essais qui n'ont pas
vraiment toujours de rapport avec le titre ...
Civilisés tourmentés versus "barbares" innocents et heureux, notre
faculté à penser nous mettrait dans la situation fâcheuse de la souffrance
atroce. Notre capacité à nous rendre compte de notre insignifiance, notre
médiocrité, nous plonge dans les tourments de l'enfer. Le scepticisme n'a pas
de sens, ainsi que la vie humaine, il est plus confortable de se vautrer
bêtement dans la religion. Une en chassant une autre, l'histoire d'Adam et de
la Connaissance est l'histoire d'une vanité de plus à notre triste palmarès. La
recherche de la gloire, de la reconnaissance nous abaisse encore plus, c'est
pourtant le but ultime de certains. Pas toujours simple de comprendre tous ces
soliloques tortueux...
"Sur la maladie" nous entraine sur le sujet de la souffrance, ce
n'est qu'à travers elle que l'on peut vraiment parler de Vie. Sans elle, nous
ne faisons que la survoler, la souffrance nous rappelle à quel point nous
sommes vivants, que la mort est à deux pas. Bien portants nous sommes capable
de compassion, mais malades, seule notre peine compte et existe, on voudrait
que le monde entier la partage.
Une chapitre est consacré à Tolstoï, son évolution dans sa pensée, son génie à
décrire l'agonie.
"Haïr le monde et se haïr, c'est prêter trop de crédit au monde et à soi,
c'est se rendre inapte à s'affranchir de l'un et de l'autre".
Méfions nous aussi de la sagesse qui bien souvent nous fait fuir de notre
nature profonde et est source de frustration.
Pour clore, il est question de tomber du temps, de passer de l'éternité au
temps qui fuit, échappe et puis de sortir du temps même pour tenter de
reconquérir une innocence originelle.
"J'entasse du révolu, ne cesse d'en fabriquer et d'y précipiter le
présent, sans lui donner le loisir d'épuiser sa propre durée. Vivre c'est subir
la magie du possible ; mais lorsqu'on perçoit dans le possible même du révolu à
venir, tout devient virtuellement passé, et il n' y a plus de présent ni de
futur. Ce que je distingue dans chaque instant, c'est son essoufflement et son
râle, et non la transition vers un autre instant. J'élabore du temps mort, je
me vautre dans l'asphyxie du devenir".

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