Alexandre Soljenitsyne - Le pavillon
des cancéreux
Vaste
œuvre qui décrit un univers glauque, celui d'une Russie régie par la fin de
l'ère stalinienne, par l'obsession du secret. Un système totalitaire bancal où
les soins de santé se réduisent à pas grand chose pour une immense population.
Alexandre Soljenitsyne a été envoyé au goulag (qu'il décrit dans "Une
journée d'Ivan Denissovitch" et "L'archipel du goulag") pour
dissidence au système soviétique, puis à ce fameux pavillon des cancéreux dont
il est sorti en 1955.
Le récit s'articule autour de l'histoire de résidents de cette clinique qui
accueille les condamnés par la maladie, mais aussi celle des infirmières,
soignantes, médecins. Cela peut sembler de prime abord comme une réflexion sur
la Médecine qui tantôt jure qu'un traitement est le meilleur recommandé par un
consensus de scientifiques pour quelques années plus tard faire volte face. N'y
aurait-il pas d'autres remèdes ?
C'est une métaphore de l'empire soviétique, subtilement l'auteur y distille une
critique du système de suspicion, de contrôle, de propagande qui a fait les
beaux jours d'une idéologie communiste mal interprétée ou plutôt sciemment
déformée à dessein pour servir une élite. Parce que ce système n'est pas
égalitaire.
On y rencontre d'abord Paul Nikolaïevitch Roussanov, haut fonctionnaire du
parti qui se retrouve relégué au même niveau que le peuple, uni à eux malgré
lui par une tumeur. Oleg Filimonovitch Kostoglotov dit "Grandegueule"
est le rebelle qui cherche à comprendre "Ce qui fait vivre les
hommes" dans un univers gangrené par le système mais aussi cette injustice
immanente qui plonge les hommes soit dans la maladie et la souffrance ou dans
l'insouciance de la bonne santé. Cet homme n'a fait que subir son existence,
tantôt au front puis au camp pour le motif de haute trahison, puis le cancer.
Il aimerait au moins profiter un peu de la fin de sa triste vie. Peut-être
est-ce car il n'a plus rien à perdre qu'il ose élever la voix contre ce
totalitarisme?
Du côté du personnel hospitalier, leur tâche tourne à l'obsession, au surmenage
et il faut faire avec les questionnements et les faux espoirs des condamnés. Le
mensonge est aussi monnaie courante, les autodafés ont voulu passer sous
silence une certaine évolution de la science car elle vient de l'ennemi
capitaliste! Des débuts d'histoires d'amour voient le jour, mais à quoi bon quand
on est condamné?
Habitués à leur rôle de soignant, ils ne se doutent pas qu'en fait il peuvent
tout aussi bien se retrouver de l'autre côté du miroir, celui du cancer qui
vous ronge, le mal qui fait table rase de toute différences de classes.
Il m'aura fallu plusieurs semaines pour arriver au bout de ce monument de la littérature russe de presque 800 pages qui vous happe dans une sorte de course au long cours qui pourtant raconte seulement quelques mois d'un tournant dans l'histoire soviétique.

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