Agnès Dumont/Patrick Dupuis - Le trou du diable






Agnès Dumont/Patrick Dupuis - Le trou du diable

Sorti en 2022, ce polar belgo-belge signé à quatre mains relate une troisième enquête du duo Roger Staquet et Paul Ben Mimoun.

L'intrigue se passe dans le pays du Viroin à la frontière française où un corps est retrouvé par un promeneur au fond d'un ardoisière.  L'enquête s'étire un peu en longueur, avec force détails qui nous baigne dans une ambiance wallonne une peu vieillotte. Les auteurs tentent un ton qui veut jouer les grands romans policiers, mais j'ai trouvé le résultat un peu trop poussif. L'histoire est finalement assez compliquée avec plusieurs protagonistes, des cours de piano, des garagistes et une étude notariale le tout en pleine pandémie du covid. Il y a comme une bien-pensance qui dégouline un peu des héros (ex) policiers.


 

Philippe Ariès - Essais sur l'histoire de la mort en Occident




Philippe Ariès - Essais sur l'histoire de la mort en Occident


Comme un historien du dimanche (pour reprendre ses propres termes) cet auteur français a passé une dizaine d'années de sa vie à rassembler la matière qui allait constituer ces essais sur la Mort. Il y a pas mal de redites quand on enchaine ces quelques 200 pages finalement parues 1975. Entre ces articles, conférences, petits livres, il y a forcément du redondant.

Pendant des siècles qui peuvent même se compter en millénaire, il y avait une acceptation de la mort. En témoigne nombreux récits du Moyen Age jusqu'aux Temps Modernes. L'homme savait sa fin inéluctable et le moment venu se préparait avec abnégation à ce passage de vie à trépas. Il se résignait à ce destin collectif. Sauf pour de rares rois et saints, le corps se décomposant n'avait pas grande importance. Une fois la dépouille réduite à l'état de squelette, il était courant de déplacer le corps, de l'entasser pour faire de la place. Ces reliefs humains étaient stockés hors de la ville. Ce n'est qu'avec l'arrivée de la chrétienté que les gens ont voulu être rassemblés auprès des reliques de différents saints gardés dans des églises. Apparition des cimetières mais aussi d'une forme d'art funéraire dans les villes qui allait provoquer quelques problèmes d'hygiène et de surpopulation.
Mais il y a aussi un changement dans les concepts même du Jugement dernier et un sentiment individuel qui apparait. Le jugement se fera désormais juste après la fin de vie et l'on sera envoyé après ce tribunal céleste,  directement au paradis ou en enfer. On commence à redouter ce moment, à rédiger des testaments pour qu'une partie de sa fortune serve à payer les prières et graver des pierres tombales pour rappeler aux successeurs leur devoir de mémoire.

La mort devient obsession avec tout ce courant artistique de danse macabre. Il y a une sorte d'érotisation de la mort qui apparait. Cela nous mène à la période romantique des XVIII et XIVème siècle pour arriver à notre époque où l'on va tout bonnement nier la mort. Ce glissement moderne continue encore aujourd'hui. En effet, le deuil devient tabou, il n'est plus de bon ton de s'épancher en public, de partager sa peine. Les évolutions de la médecine permettent de faire trainer l'agonie, de maintenir des légumes en vie. Alors que pendant des siècle, on trépassait chez soi (ou sur un champ de bataille) entouré des siens, des voisins et d'un membre du clergé qui nous donnait l'absolution,  désormais c'est dans la majeure partie des cas à l'hôpital, seul qu'on décède.
Le malade devient même comme un enfant à qui on veut cacher sa fin prochaine pour qu'on ne se sente plus mourir. Ou alors celui ci fait semblant que ça va aller pour ne pas casser l'omerta de la mort et poser des complications.

On nie la mort quand on maquille le cadavre pour le rendre "présentable" pour les funérailles. Ces mœurs différent ici en Europe et aux Etats-Unis.
Voilà qui est vite résumé mais j'ai trouvé ces essais passionnants et cela porte à réflexion...
Pour tout avouer, je pensais louer "L'homme devant la mort" du même auteur que je tenterai à l'occasion, mais il y a fort à parier que les informations soient assez similaires...



 

Richard Brautigan - Sucre de pastèque




Richard Brautigan - Sucre de pastèque

Ce roman sorti en 1968 était fourni en accompagnement du fameux "La pêche à la truite en Amérique" ce qui m'a motivé à le lire.

Je ne peux m'empêcher de le comparer à son prédécesseur car on reconnaît bien la patte surréaliste de l'auteur. Ici on peut par contre suivre une "vraie histoire" bien que farfelue ou la répétition est utilisée allègrement. Une syntaxe presqu'enfantine, des chapitres très courts et encore la présence de truites nous plongent dans une ambiance onirique. Je suis d'accord avec la préface de cette édition qui compare le livre à du Boris Vian. Difficile de résumer cette courte histoire sans vraiment de logique mais elle m'a rafraichi les idées suite à deux précédentes lectures qui m'avaient déplu. 


 

Henri Michaux - L'infini turbulent




Henri Michaux - L'infini turbulent

Décidément j'ai bien du mal à appréhender cet auteur très prolifique qui s'est adonné à la poésie, aux récits de voyage, à la peinture... et à l'expérimentation de différentes drogues.

C'est le propos de cet essai paru en 1957 où il nous brosse une série de ressentis de ses expériences presque scientifiques de l'usage de la mescaline. Je n'ai pas trop réussi à entrer dans le délire lors du premier chapitre qui est plus général, mais je me suis un peu abandonné à quelques observations d'une série de 8 expériences distinctes de cet extrait de peyotl à différentes doses. Le titre est en quelque sorte un résumé de l'effet procuré par cette substance qui amène à des sentiments très très variés... Cela plaira sans doute beaucoup aux aficionados de la défonce mais de mon coté, je me suis un peu forcé à terminer le livre. C'est pourtant un exercice tout à fait louable et original pour tenter de transcrire par des mots des expériences difficilement explicables.  Ce n'est d'ailleurs pas son coup d'essai puisqu'il avait déjà sorti "Misérable Miracle" l'année précédente.
Il met aussi en perspective des comparaisons avec les effets du haschisch et du LSD.
Le livre se termine par un aperçu de l'origine mexicaine de l'usage du peyotl de manière religieuse ou guerrière par le peuple Huichol. Puis une sorte de conclusion qui s'étire encore en longueur.



 

Jean Ray - Les contes du whisky




Jean Ray - Les contes du whisky

Tentative de découverte de cet auteur belge souvent comparé à Edgard Allan Poe. Ce recueil fantastique conseillé par Malik date de 1925 m'a vite lassé. J'ai bien tenté de m'accrocher à ces histoires relativement courtes, mais rien n'y a fait, j'ai fini par sauter les pages et refermer le livre. Dommage , mais le style qui manque de description, le narrateur qui n'est pas vraiment défini, des dialogues sans interlocuteurs, trop de personnages, une ambiance marine qui tente de rappeler la sombre Angleterre m'ont perdu. Tant pis !



 

Rudy Lenners - Piqûres de rappel




 Rudy Lenners - Piqûres de rappel

Ce livre sorti en 2023 tente de compléter celui sorti trois ans plus tôt sous le nom de "Achtung ! ça va piquer". On est prévenu, celui ci sera moins bourré de jeux mots pour faciliter la traduction anglaise (sic).
Le gaillard est fort friand de calembours et tente de se retenir mais c'est une chouette lecture captivante pleine d'anecdotes ou remises au point.
Sous la forme d'une longue interview de son porte-plume Guillaume Gaguet, on en apprend sur la vie de cette star locale liégeoise qui a officié comme batteur dans Scorpions durant les années 1975 à 1977. Plusieurs tournées à son actif et deux albums studio avec le groupe: "In trance" et "Virgin Killers". C'est sa volonté de fer, son obstination et son travail acharné qui lui ont ouvert les portes de ce groupe qui allait devenir le plus grand groupe allemand. Peut-être trop humble, en tous cas pas préparé à vivre le star system du succès, voulant fonder une famille , il quitte le groupe alors que celui ci est en pleine ascension. La musique fera toujours partie de sa vie professionnellement mais à un degré plus conciliable avec une femme et des enfants. En effet il officiera dans différents groupes, ou deviendra producteur ou conseiller.
Désormais à 72 ans, il coule des jours paisibles dans le Sud de la France.


Frédéric Gros - Marcher, une philosophie




Frédéric Gros - Marcher, une philosophie

Dans ma liste de lecture de longue date, je me suis enfin plongé dans ce énième livre sur la marche sorti en 2008. Peut-être que ça va me redonner l'envie de sillonner les sentiers plus souvent.
Ici cette pratique est vue du prisme d'un philosophe moderne qui a tenté de prendre du recul sur ce qui n'est pas un sport mais est dans notre nature profonde. C'est aussi une volonté d'aller lentement, une liberté quand elle est choisie pour fuir son quotidien de manière furtive lors d'une promenade ou d'une randonnée au long cours. Elle peut aussi rompre l'ennui, être source de découverte même dans son quartier quand on l'effectue sans but, entretenir notre santé physique et mentale.
Ce n'est pas pour rien que divers penseurs ou poètes l'ont avidement pratiquée pour diverses raisons. Tandis qu' un Nietzsche ou un Rousseau ne pouvait pas concevoir une saine réflexion sans aller au dehors, elle a été source de fuite pour Rimbaud ou de reconnexion au sauvage pour Thoreau. Elle a entretenu la mélancolie de Nerval alors qu'elle ponctuait la vie réglée comme une horloge de Kant. Chez les diverses sectes grecques de l'antiquité, elle a eu divers sens, chez les Cyniques elle était une raison d'être. Gandhi en a fait une arme de désobéissance civile et de protestation. Certains religieux l'utilisent comme expiation ou encore pèlerinage.

Cet essai amène diverses réflexions sur plusieurs dimensions du fait de mettre un pas devant l'autre qui sont entrecoupées des visions philosophiques de célèbres personnages qui ont ponctué l'histoire. J'ai pris connaissance de la biographie courte de ces illustres qui parfois nous sont familiers mais à qui on a jamais vraiment pris le temps de s'intéresser. L'auteur suggère quelques références pour approfondir ce sujet passionnant.
Pour citer Rimbaud" Allons, chapeau, capote, les deux poings dans les poches, et sortons !"




 

Richard Brautigan - La Pêche à la truite en Amérique




Richard Brautigan - La Pêche à la truite en Amérique

Et bien, je comprends mieux maintenant pourquoi Fred Sempels m'a conseillé cette lecture suite à ma critique de "V" de Thomas Pynchon! Merci!
Cet écrivain chantre de le Beat Génération manie en effet dans cet ouvrage paru en 1967 l'humour, la dérision, l'absurdité jusqu'à leur paroxysme.
Il n'y a pas vraiment d'histoire dans cette suite de courts chapitres qui à première vue n'ont ni queue ni tête. On peut y voir un pastiche du Nature Writing avec même une référence à Thoreau, Nelson Algren et sans doute aussi à John D. Voelker et son "Itinéraire d'une pêcheur à la mouche" (que je n'ai pas lu).
"La pêche à la truite en Amérique" est martelée jusqu'à l'obsession comme livre, comme entité ou comme personnage sans réel sens dans une quête dans divers ruisseaux de l'Amérique profonde.
On a parfois l'impression que l'auteur était sous trip ou champignons hallucinogènes pour pondre de telles frasques sans aucun rapports logiques entre elles. On tourne les pages dans cette suite labyrinthique qui ne mène pas vraiment à un but, on s'esclaffe, on écarquille les yeux et on est surpris d'arriver au bout de ces presque 200 pages. A conseiller pour rigoler un coup,  aux toilettes, à un feu rouge (comme le suggère je ne sais plus quelle critique) !


 

Aurélien Dony - Le cœur en Lesse




Aurélien Dony - Le cœur en Lesse

Trouvé sur une brocante à 1€ je suis retombé sur ce court livre qui m'a permis de patienter jusqu'à mon ravitaillement à la bibliothèque.
C'est un recueil de petites nouvelles qui se déroulent toutes dans la région de Dinant, surtout à Anseremme là ou la Lesse se jette dans la Meuse. Valons forestiers, Citadelle, Couque, Adolphe Sax, ruines médiévales, kayaks, tous ces symboles typiques de ce coin sont racontés mêlant fiction et autobiographie. J'ai été pas parfois déçu par certains passages que j'ai trouvé un peu maladroits, mais je me suis parfois laissé porter par ces récits emprunts de poésie dont la géographie évoque des souvenirs personnels aussi. L'auteur est jeune pourtant ils se glisse volontiers dans la peau de vieillards qui racontent un temps qui a disparu à jamais au profit d'une certaine modernité.
L'auteur semble plus habitué aux recueils de poésie ainsi qu'au théâtre.