Florence Bergeaud-Blackler - Le marché
halal ou l'invention d'une tradition
Pendant 14 siècles, les exégètes musulmans n'ont cessé de s'interroger,
remettre en question les interprétations du coran comme c'est le cas pour les
juifs ou les chrétiens avec leur livre saint. Pour résumer, il faut distinguer
ce qui licite (halal) d'illicite (haram). La viande de porc en est l'exemple le
plus connu de l'impur, mais la notion d'abatage rituel était flou. Il était
tout a fait accepté pour les musulmans de consommer des nourritures produites
par "des gens du Livre" (juifs, chrétiens, musulmans) puisque
rappelons le, ces trois religions monothéistes se basent sur une partie de
l'ancien testament. Il n'existait donc pas de vrais préceptes pour une
exécution de l'animal en bonne et due
forme.
En 1979, la révolution iranienne de Rouhollah Khomeini, a jeté les bases de
l'islamisme et a voulu créer une véritable marque de fabrique musulmane qui
irradierait le monde entier. C'était sans compter d'autres montées
fondamentalistes en Arabie Saoudite ou en Egypte (avec comme tête de file Les
Frères Musulmans) par exemple qui ont voulu eux aussi avoir leur propre
définition de la charia. Pour les musulmans des quatre coins du monde c'était
une peu le bordel qui des sunnites, qui des chiites ou autre salafistes serait
le Vrai?
Les années 80 marquent aussi le début du néo-libéralisme débridé, c'est à ce
moment là que les puissances musulmanes ont saisi la balle au rebond et on
voulu s'octroyer aussi une part du gâteau et lancer leur propre marque: le
halal. Le halal est donc lié au capitalisme industriel. Cette pratique de mise
à mort des animaux est fortement inspirée de celle de la cacherout des juifs
(elle plus séculaire).
En Europe, dans un soucis de moindre souffrance animale, il a été décrété obligatoire
l'étourdissement avant abatage qui serait moins vecteur de peine pour les animaux
d'élevage. Les dates de mises en application semblent diverger selon les pays.
Des dérogations existent pours les
pratiques rituelles pour la Shehita des juifs ou Dabiha des musulmans.
L'auteure explique ces détails des méthodes employées, des évolutions,
controverses, retours en arrière, flous juridiques, guerres d'influence qui ont
duré des décennies avant d'arriver à un semblant d'uniformisation de la
certification halal. Ce marché est donc prometteur si l'on considère
qu'aujourd'hui un quart de la population mondiale est musulmane. Ce capitalisme porte comme étendard
l'intégrisme religieux et contrairement
aux autres réseaux de la distribution alimentaire, sont gérés par des
représentants du culte. En Europe il y'a
donc une complaisance vis à vis de ces méthodes d'abattage sans étourdissement
contrairement aux lois en vigueur et ce en dépit d'un consensus clair
concernant ce moindre mal puisque pour certains musulmans l'étourdissement ne
serait pas contraire à la jurisprudence islamique. Ces pseudos-vérificateurs du
label halal qui n'ont d'autre qualité que celle d'être croyant et rétribués par
les autorités islamiques sont des portes ouvertes aux dérives multiples:
mafias, faux halal, voire carrément des traces de porc. Au final, l'absence
d'une réelle traçabilité permet la mise en vente de viande halal excédentaire
dans les réseaux classiques de la grande distribution (en tous cas en France)
sans y faire mention. Des consommateurs se retrouvent parfois à financer le culte
à leur insu. La mode halal ne se cantonne pas à la viande, mais passe pour être
un véritable mode de vie avec des vacances halal, des lignes de vêtements, des
banques ...
Vaste sujet, complexe, décrit donc dans ce ouvrage sorti en 2017 qui est il
faut le dire pénible à lire tant le flot d'information est important, les
références citées etc... mais qui remet un peu les pendules à l'heure sur cette
pseudo tradition alimentaire loin de faire l'unanimité dans le monde musulman. Certains
pourraient regretter un certain parti pris par l'auteure et la taxer
d'islamophobie mais ce terme est galvaudé et brandi dès qu'on ose une remise en
question de l'islam.

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