Collectif - Squats & Pirates




Collectif - Squats & Pirates

Tout fraichement sorti des presses cet été en autoédition  "Seitan Con Bravas", ce très beau livre sérigraphié et agrémenté de photos, affiches d'un peu plus de 400 pages, réussit le pari de rassembler divers témoignages sur le mouvement squat en Europe. Le projet était ambitieux de contacter divers acteurs présents et passés et d'ainsi compiler une bonne quarantaine d'articles et d'interviews.
Là où l'auteur a tapé juste a été de faire de succéder différents points de vue et d'alterner les passages touchants, révoltants et drôles. On est confronté aux réalités pas toujours roses de celles et ceux qui luttent simplement pour un toit. Partout il y a un nombre incroyable de bâtiments vides soumis à la spéculation ou simplement à l'abandon alors que des milliers de personnes sont sans abris où n'arrivent pas à payer un loyer qui ne cesse d'augmenter. La cause en est souvent la gentrification qui pousse chaque jour un peu plus les populations les moins favorisées dans le désarroi.

Squatter est bien souvent un acte politique plus qu'un simple besoin. Cela crée des dynamiques, des élans de solidarité et diverses formes de culture populaire.
On commence par une expérience de l'auteur lui même à Barcelone, ville et personnage qui seront un peu comme la colonne vertébrale du bouquin . Puis au fil des pages, on est emmené aux quatre coin de la France, à Amsterdam, Dublin, Buenos Aires, Sydney et même un peu Liège ...
Les différents aspects de ce mode de vie sont abordés sous de nombreux angles, du repérage aux occupations et malheureusement souvent aux expulsions.  Un long chapitre est consacré aux syndicat du logement en Catalogne. Outre les problématiques légalistes et les nombreuses violences policières orchestrées par l'état, on plonge aussi dans des histoires plus personnelles des habitants. L'évolution de mentalités qui changent bien souvent l'âge avançant laisse place à un sentiment d'amertume, les élans s'usent bien souvent, amplifiés par le stress, les galères, les disputes,  le manque d'un minimum de confort et d'intimité. A chaque individu ses raisons et ses motivations, c'est bien un éventail de témoignages qui est proposé dans ce recueil qui scande l'adage " Si t'as pas de niche, prend ton pied de biche".
Quelques passages sont consacrés aux occupations plus ou moins temporaires d'endroits soumis à des menaces de constructions (ZAD) dans des forêts remarquables ou encore des grands potagers collectifs pour empêcher des projets immobiliers ou de mine de charbon.
L'accent est aussi mis sur les élans orientés vers l'aide aux migrants et l'occupation de lieu pour leur permettre de reprendre pied.
Solidarité et autonomie sont souvent les leitmotivs qui animent les énergies des squatteurs de tout poil avec leurs joies et leurs peines.
Si vous voulez vous procurer ce très bel objet, vous pouvez le commander au prix de 20€ via le site:

https://librairie-terranova.fr/squats-et-pirates.html


 

Henry James - Le tour d'écrou



Henry James - Le tour d'écrou

Il faut bien l'avouer, ce court et à la fois long roman laisse une drôle d'impression. Il ne fait qu'à peine 200 pages et pourtant, passé le début on a la sensation d'une vaste histoire tant elle est tortueuse.
Tout le génie de l'auteur repose sur un subtil alambiquage qui nous emmène dans pas mal de suppositions, de voies de garage. On y parle de fantômes mais ne serait-ce pas plutôt des fantasmes?
C'est l'histoire d'un frère et une sœur qui sont confiés à l'éducation d'une gouvernante dans une grande propriété. Leurs visages angéliques iront jusqu'à envouter celle ci qui rapidement sera témoin d'apparitions...
En tous cas il faut s'accrocher pour suivre ces phrase à rallonges issues du soliloque d'une institutrice particulière où l'on dirait qu'elle complexifie à outrance sa pensée. Mais peut-être est-ce là tout l'attrait de cette lecture qui permet d'installer une ambiance ainsi qu'une intrigue psychologique de terreur. Les nombreuses adaptations cinématographiques de cet ouvrage publié en 1898, notamment "The Others" ont sans doute contribué à encadrer mon imaginaire. Il faut quand même saluer l'art de Henry James à poser un climat fantastique tellement imagé à une époque où le cinéma n'existait pas.
Lecture difficile qui pourrait presque faire mal à la tête si l'on ne garde pas le cap de l'intrigue qui pourrait mener à une certain égarement. 



 

Giacomo Leopardi - Canti




Giacomo Leopardi - Canti

Trouvé dans une boîte à livre, je me suis rappelé que j'avais loué un recueil sobrement intitulé "Pensées" qui ne m'avait pas laissé un souvenir impérissable. Mais j'avais en ligne de mire la découverte plus en profondeur de ce poète et philosophe italien né à l'aube du XIXème siècle et décédé à l'âge de 38 ans. Sa pensée est comparée à Schopenhauer, Kierkegaard, Nietzsche, Freud, Kafka, Cioran et aussi considéré comme un précurseur de l'existentialisme  et comme un écrivain des  plus importants de littérature italienne. Profondément pessimiste plein de désespoir, il déplore le néant de l'aventure humaine face à la Nature.
Canti est un recueil de poèmes dont certains en prose paru en 1835 et on est touché par sa mélancolie et son désarroi. Dans mon édition, il est suivi d'un autre recueil "Œuvres morales" qui sont pour la plupart des contes philosophiques  concernant encore la vie parsemée d'embuches et d'avaries. Vous l'aurez compris on ne ressort pas de cette lecture plein d'espoir et de positivité. 



 

Knut Hamsun - Faim




Knut Hamsun - Faim

J'avais noté ce livre dans ma liste de lecture en lisant Georges Picard et cet auteur norvégien est souvent comparé à un Dostoïevski du Nord, Zola ou encore Kafka.
Ce roman autobiographique paru en 1890 raconte les débuts de la vie errante de ce prix Nobel de littérature (en 1920) dans les rues de Christiania. A la fin de sa vie malheureusement il s'est rapproché du IIIème Reich ce qui a durablement terni sa réputation.

On pourrait dire qu'il ne se passe pas grand chose dans cette histoire assez étrange qui a d'ailleurs fait l'objet d'adaptation théâtrale et cinématographique. En effet le pauvre diable est de plus en plus acculé dans son existence misérable par les revers de la vie où il tente de survivre en croyant en son génie littéraire. Il s'enfonce de plus en plus dans les dettes et la pauvreté en vivant d'expédients et en mettant ses objets personnels au mont de piété. Il se berce d'illusions, de fantasmes et sombre de plus en plus dans la folie accentuée par la faim qui le plonge irrémédiablement dans la déchéance physique et mentale. Ce qui est dérangeant et irritant c'est que sa fierté et son orgueil lui font agir de manière complètement illogique et gaspiller stupidement ses maigres ressources. Ses velléités le font mentir et se mentir à lui même de façon sincère pour reprendre ses propres mots.  Vers la fin de l'ouvrage, on dirait qu'il a un accès de lucidité sur ses mécanismes personnels toxiques et il va enfin s'atteler un du concret pour tenter de se ressaisir.
On est vraiment dans un schéma de glissement dans la pauvreté extrême tout en tentant de sauver les apparences qui mène au reniement de soi.



 

Valérie Chansigaud - Histoire de la domestication animale




Valérie Chansigaud - Histoire de la domestication animale

Vaste sujet que celui abordé par cette historienne des sciences et de l'environnement et paru en 2020. Après avoir défini les nuances de la domestication, apprivoisement, captivité... on entre dans le vif du sujet avec le premier animal que l'être humain a commencé à façonner: le chien. Il descend du loup qui par commensalisme s'est rapproché de l'homme par intérêt. Il est ensuite devenu un allié de choix dans la chasse. Mais c'est avec l'arrivée de la sédentarisation (mais pas que) et l'agriculture il y'a 14 000 ans que véritablement la face du monde a été irrémédiablement chamboulée et que sapiens sapiens a transformé la biosphère. Bien sûr les grand mammifères avaient déjà pour la plupart été éradiqué par ce dernier.

Vers - 10 000 à - 8000 avant JC, on commence à sélectionner les sujets les plus dociles d'aurochs et de certains caprins puis des cochons. Et de descendances en descendances, les caractéristiques physiologiques et psychologiques vont donner lieu à des espèces dépendantes de l'humain. Elles s'éloignent de plus en plus de la vie sauvage et deviennent des produits pour la consommation de viande ou de lait. Les espèces sauvages quant à elles continuent à décliner et vivre leur vie de plus en plus acculées par les activités anthropiques.
Vers -4000 avant JC on retrouve les premières traces de domestication de la force motrice avec le chevaux, ânes, puis  chameaux. Ce n'est que vers - 2000 que par une certaine coquetterie l'on va commencer à emprisonner les volatiles d'abord à des fins ornementaux, sacrificiels, de combat avant vraiment de leur trouver un utilitarisme alimentaire. Coq doré, dindon, pigeon, caille, pintade ...  à différents endroits du globe connaitront le même sort à des niveaux parfois inégaux de sélections. Pour les plus fortunés, les vers à soie seront source de la production textile de luxe. Différents tris seront faits selon si l'on veut favoriser la production  de viande, œufs etc.
A mesure que l'on se rapproche de notre époque, on constate que l'histoire sans fin de la conquête du vivant va de plus en plus loin dans la futilité avec les canaris, perroquets puis la fourrure.
Lapins, chinchillas, visons, renards feront les frais de cette folie d'apparat. Ces nombreux échanges et introductions ne sont pas sans conséquences pour la vie sauvage quand on amène certaines espèces dans des endroits qui en sont exempts. Des sujets artificialisés s'échappent et redeviennent "sauvages" et hors de contrôle. Il s'hybrident avec leurs lointains cousins et font ainsi disparaître à jamais la richesse génétique. Sans parler bien sur de l'absence de prédateurs naturels et vont donc proliférer à outrance des générations morphologiquement et comportementalement faibles.
Bien que plusieurs techniques de capture furent utilisées par le passé, on ne peut vraiment parler de domestication de la vie aquatique qu'à partir du début des années 1990. La surpêche ayant fait prendre conscience de la fragilité du milieu, on se met à "cultiver" le poisson (et les mollusques et crustacés) dans d'immenses fermes d'aquaculture qui en plus d'entasser des êtres vivants contribuent à polluer durablement la faune et la flore marine.

Il y'a aussi l'expérimentation animale qui a fait son apparition dans les années 1800.
Si l'on considère les différents syndromes de domestication avancés par Darwin, le chat, l'abeille et l'éléphant n'ont jamais vraiment été domestiqués. Le premier ne diffère que peu de son ancêtre le chat sauvage bien que génétiquement plus pauvre. Bien que l'éléphant aie servi dans les exploitations forestières et puis pour l'agrément des touristes il n'a pu qu'être brisé pour l'apprivoiser. Il a en réponse fortement diminué sa capacité reproductrice.

Pour terminer, on en conclut que l'émergence de l'agriculture a finalement domestiqué l'Homme, en dénaturant profondément son environnement et ses habitudes alimentaires variées de chasseurs cueilleurs. Paradoxalement, malgré ce début d'abondance de nourriture semi-contrôlée, il s'est mis à être en moins bonne santé. La promiscuité avec les animaux d'élevage et avec ses semblables à fait se développer diverses bactéries et virus et c'est comme ça qu'on a pu dénombrer de nombreuses épidémies  (tuberculose, variole etc). L'être humain imprévoyant a donc mené sa domination absolue sur le règne du vivant, ce qui a permis sa prolifération exponentielle au détriment des autres animaux qui ont du en payer un lourd tribu. Le livre se termine avec une série de graphiques qui mettent en lumière les évolutions de consommation carnée au fil des millénaires et des dernières décennies, la biomasse de chaque espèce animale et végétale domestiquée ou non ainsi que bien sur les animaux de compagnies qui sont devenu souvent des membres à part de beaucoup de familles.

J'ai vraiment été atterré par l'ampleur du désastre que l'humain a pu occasionner autour de lui au nom de son expansion égoïste. La plupart des gens n'ont que faire de ce genre de prise de conscience et continue allègrement à exploiter les animaux d'une manière ou d'une autre et ainsi perpétuer encore un peu plus cette sacro-sainte croissance.
Je recommande donc vivement cette lecture qui alimentera j'en suis sur la réflexion, voire la remise en question ou du moins servira à rétablir quelques vérités historiques.


 

San-Antonio - Les anges se font plumer




San-Antonio - Les anges se font plumer

Petite gâterie du dimanche avec ce 25eme de la série sanantoniesque paru en 1957. La mécanique est désormais bien rodée avec un rythme soutenu dans l'action qui va emmener notre commissaire en Italie avec sa brave femme de mère Félicie. Il est chargé d'intercepter et détruire un livraison d'armes entre un américain et des rebelles arabes. Pas très rocambolesque de prime abord, mais l'occasion de quelques sourires voire poilades.




 

Mary Shelley - Que les étoiles contemplent mes larmes




Mary Shelley - Que les étoiles contemplent mes larmes - Journal d'affliction

Le sous-titre de cet ouvrage décrit fort bien son contenu. Il s'agit d'un journal intime rédigé entre 1822 et 1844 par Mary Shelley l'épouse du poète Percy Byssche Shelley. Mary n'est pas juste une épouse de, elle est surtout une femme de lettres britannique née en 1797 célèbre pour "Frankenstein ou le Prométhée moderne" ainsi que le "Dernier homme". Elle a aussi rédigé d'autres romans, des nouvelles, récits de voyage... Cette édition est accompagnée d'une biographie de l'auteure ainsi qu'une sorte d'arbre généalogique de son entourage. Proche de Byron, elle a vécu une vie tumultueuse tiraillée entre une morale libérale et une réputation gainée de conservatisme. Son œuvre est teintée d'un idéalisme romantique voire gothique. Je n'ai pas encore pris le temps d'entamer l'une de ses fictions mais avant j'ai voulu comprendre le personnage.
"Que les étoiles contemplent mes larmes" est profondément empreint de mélancolie presque suicidaire. C'est la mort de son mari en Méditerranée en 1822 qui déclenche son envie d'exorciser son deuil en se confiant à un journal. Elle n'aura de cesse d'aspirer à le rejoindre. Ces écrits n'étaient pas destinés à être publiés et ils ont été sans doute un peu censurés ou remaniés. N'empêche qu'ils nous font naviguer à travers les tempêtes de sa vie, les nombreuses trahisons, deuils et mesquineries qui composeront la majorité de son existence. Le tout avec une grande poésie noire, une déclaration d'amour sans cesse renouvelée pour son défunt mari. Elle s'accrochera toute sa vie à son seul enfant survivant Percy et tentera de perpétuer la lyre de son idole et concubin.