Valérie Chansigaud -
Histoire de la domestication animale
Vaste sujet que celui abordé par cette
historienne des sciences et de l'environnement et paru en 2020. Après avoir
défini les nuances de la domestication, apprivoisement, captivité... on entre
dans le vif du sujet avec le premier animal que l'être humain a commencé à
façonner: le chien. Il descend du loup qui par commensalisme s'est rapproché de
l'homme par intérêt. Il est ensuite devenu un allié de choix dans la chasse.
Mais c'est avec l'arrivée de la sédentarisation (mais pas que) et l'agriculture
il y'a 14 000 ans que véritablement la face du monde a été irrémédiablement
chamboulée et que sapiens sapiens a transformé la biosphère. Bien sûr les grand
mammifères avaient déjà pour la plupart été éradiqué par ce dernier.
Vers - 10 000 à - 8000 avant JC, on commence à sélectionner les sujets les plus
dociles d'aurochs et de certains caprins puis des cochons. Et de descendances
en descendances, les caractéristiques physiologiques et psychologiques vont
donner lieu à des espèces dépendantes de l'humain. Elles s'éloignent de plus en
plus de la vie sauvage et deviennent des produits pour la consommation de
viande ou de lait. Les espèces sauvages quant à elles continuent à décliner et
vivre leur vie de plus en plus acculées par les activités anthropiques.
Vers -4000 avant JC on retrouve les premières traces de domestication de la
force motrice avec le chevaux, ânes, puis chameaux. Ce n'est que vers - 2000 que par une
certaine coquetterie l'on va commencer à emprisonner les volatiles d'abord à
des fins ornementaux, sacrificiels, de combat avant vraiment de leur trouver un
utilitarisme alimentaire. Coq doré, dindon, pigeon, caille, pintade ... à différents endroits du globe connaitront le
même sort à des niveaux parfois inégaux de sélections. Pour les plus fortunés,
les vers à soie seront source de la production textile de luxe. Différents tris
seront faits selon si l'on veut favoriser la production de viande, œufs etc.
A mesure que l'on se rapproche de notre époque, on constate que l'histoire sans
fin de la conquête du vivant va de plus en plus loin dans la futilité avec les
canaris, perroquets puis la fourrure.
Lapins, chinchillas, visons, renards feront les frais de cette folie d'apparat.
Ces nombreux échanges et introductions ne sont pas sans conséquences pour la
vie sauvage quand on amène certaines espèces dans des endroits qui en sont
exempts. Des sujets artificialisés s'échappent et redeviennent
"sauvages" et hors de contrôle. Il s'hybrident avec leurs lointains
cousins et font ainsi disparaître à jamais la richesse génétique. Sans parler
bien sur de l'absence de prédateurs naturels et vont donc proliférer à outrance
des générations morphologiquement et comportementalement faibles.
Bien que plusieurs techniques de capture furent utilisées par le passé, on ne
peut vraiment parler de domestication de la vie aquatique qu'à partir du début
des années 1990. La surpêche ayant fait prendre conscience de la fragilité du
milieu, on se met à "cultiver" le poisson (et les mollusques et
crustacés) dans d'immenses fermes d'aquaculture qui en plus d'entasser des
êtres vivants contribuent à polluer durablement la faune et la flore marine.
Il y'a aussi l'expérimentation animale qui a fait son apparition dans les
années 1800.
Si l'on considère les différents syndromes de domestication avancés par Darwin,
le chat, l'abeille et l'éléphant n'ont jamais vraiment été domestiqués. Le
premier ne diffère que peu de son ancêtre le chat sauvage bien que
génétiquement plus pauvre. Bien que l'éléphant aie servi dans les exploitations
forestières et puis pour l'agrément des touristes il n'a pu qu'être brisé pour
l'apprivoiser. Il a en réponse fortement diminué sa capacité reproductrice.
Pour terminer, on en conclut que l'émergence de l'agriculture a finalement
domestiqué l'Homme, en dénaturant profondément son environnement et ses
habitudes alimentaires variées de chasseurs cueilleurs. Paradoxalement, malgré
ce début d'abondance de nourriture semi-contrôlée, il s'est mis à être en moins
bonne santé. La promiscuité avec les animaux d'élevage et avec ses semblables à
fait se développer diverses bactéries et virus et c'est comme ça qu'on a pu
dénombrer de nombreuses épidémies
(tuberculose, variole etc). L'être humain imprévoyant a donc mené sa
domination absolue sur le règne du vivant, ce qui a permis sa prolifération
exponentielle au détriment des autres animaux qui ont du en payer un lourd
tribu. Le livre se termine avec une série de graphiques qui mettent en lumière
les évolutions de consommation carnée au fil des millénaires et des dernières
décennies, la biomasse de chaque espèce animale et végétale domestiquée ou non
ainsi que bien sur les animaux de compagnies qui sont devenu souvent des
membres à part de beaucoup de familles.
J'ai vraiment été atterré par l'ampleur du désastre que l'humain a pu
occasionner autour de lui au nom de son expansion égoïste. La plupart des gens
n'ont que faire de ce genre de prise de conscience et continue allègrement à
exploiter les animaux d'une manière ou d'une autre et ainsi perpétuer encore un
peu plus cette sacro-sainte croissance.
Je recommande donc vivement cette lecture qui alimentera j'en suis sur la
réflexion, voire la remise en question ou du moins servira à rétablir quelques
vérités historiques.