Arto Paasilinna - Prisonniers du paradis


Arto Paasilinna - Prisonniers du paradis

Je me suis soudain souvenu du roman loufoque " Le Cantique de l'apocalypse joyeuse" et j'ai eu envie de retourner à cet auteur finnois avec son deuxième opus paru en 1974 mais traduit en français seulement en 1996.

Une fois encore il s'agit d'une sorte de société autarcique et utopique qui va se construire suite au crash d'un avion rempli d'émissaires de l'ONU dans l'Océan Pacifique. Le narrateur est un journaliste qui se retrouve parmi de membres d'équipage anglais, suédois et finnois. Quasi tous et toutes survivant(e)s du drame, ils se retrouvent sur une île à priori déserte. Après avoir réussi à sauver quelque nourriture et stérilet de l'avion, ils vont mettre en place une petite société régie par des responsables élus et s'atteler à leur survie. Un planning familial gratuit ouvre, des alambics se bricolent et un Café de la Jungle va s'amorcer où les naufragés vont pouvoir boire contre quelques heures de labeur. Ils se rendent compte qu'ils ne sont pas si mal que ça loin des tracas du quotidien, de la vie salariée et rangée. Ils vont vivre quelques aventures en tenter d'attirer l'attention de potentiels secouristes pour les libérer de cette liberté retrouvée. Chouette moment de lecture !


 

Francis Ponge - Le parti pris des choses



Francis Ponge - Le parti pris des choses

J'avais entendu parler par Georges Picard de cet ouvrage sorti en 1942. Il ne m'a pas transcendé et je l'ai vite expédié. Il s'agit de poésie en prose qui s'attache à décrire des objets ou animaux du quotidien dans une sorte d'anthropomorphisme avec quelques jeux de mots. On dirait qu'il rebondit sur des thèmes de saisons, de chaud et froid, de mou et dur...On peut quand même souligner l'exercice de contemplation poétique qui aurait apparemment cassé les codes de la poésie moderne. Pas tout a fait convaincu et un peu trop verbeux malgré sa brièveté. 


 

Georges Perec - Un homme qui dort


Georges Perec - Un homme qui dort

Ambiance lourde dans ce non-roman paru en 1967 où l'auteur utilise la deuxième personne du singulier au présent ce qui crée comme un interpellation du lecteur. Des chapitres qui n'en sont pas vraiment avec pas mal d'énumérations racontent des bouts d'existence d'un jeune homme de 25 ans qui est spectateur de sa vie. Sa vie qui est plus une survie indifférente au monde qui l'entoure. La description de sa chambre minuscule qu'il perçoit, de ses sorties dans un monde gris dans lequel il est de plus en plus étranger nous fait sombrer avec lui dans ce flot du temps qui passe sur lequel il ne veut pas avoir de prise. Le train de la vie l'entraine dans sa banalité et son manque de sens le plus criant. Il n'a plus aucune volonté ni envie, il est le public passif sans émotions de quelques plaisirs que la société offre aux citoyens mais qui lui sont abstraits. 
Ce récit est aussi quelque peu autobiographique à un moment où Georges Perec a éprouvé une envie de disparaître du monde et d'errer. Il se fait plaisir aussi en détournant pas mal de citations d'autres auteurs en toute discrétion comme Kakfa, Melville, Sartre,  Breton...
A ne pas lire si on est déprimé sauf si on veut se voir dans un miroir fêlé.


 

Jared Diamond - Effondrement


Jared Diamond - Effondrement

Je n'avais pas eu le courage de rédiger un résumé après la lecture de l'excellent "De l'inégalité parmi les sociétés" tant la tâche me semblait ardue ni après "Le troisième chimpanzé". J'avais acheté les yeux fermés celui ci et il me narguait depuis plusieurs années sur mon étagère. J'avais découvert ces ouvrages grâce à Yuval Noah Harari qui les recommandait chaudement.
Ce auteur américain commence à se faire vieux mais cumule les casquettes: géographe, biologiste évolutionniste, physiologiste, historien et géonomiste.

Dans le long prologue de cette vaste brique de 800 pages publiée il y a déjà 20 ans, on est averti de la teneur de l'essai qui va suivre à savoir une tentative d'explication sur la disparition de plusieurs civilisations passées via le prisme d'une étude comparative avec le présent. Il a ainsi avalé quantité d'ouvrages dûment référencés pour nous pondre cette synthèse dans un style clair et accessible.
L'idée romantique d'un homme préhistorique conscient de son environnement et respectueux des ressources qui l'entourent sonne faux, il n'était simplement pas lucide en exterminant plusieurs espèces de grands mammifères ou en sciant la branche sur laquelle il était assis dans sa nature destructrice.  Comme aujourd'hui, face aux enjeux de notre temps, il essayait simplement de survivre dans une jungle effrayante.
Selon Jared Diamond, la seule destruction anthropique de son biotope n'explique pas tout, l'homme a parfois été tributaire de changements climatiques brusques, de voisins belliqueux et de rapports commerciaux plus ou moins heureux. Ces complexes combinaisons d'avaries ont mené à l'anéantissement de plusieurs grandes ou petites sociétés dont nous restent des vestiges.

On commence par la situation actuelle de l'état du Montana (choisi arbitrairement) qui subit plusieurs problèmes de pollutions importantes à cause des traces laissées par l'exploitation minière, la construction de barrages, la déforestation, les incendies et leur gestion erratique, la salinisation de l'eau, la démographie galopante, le surpâturage, l' introduction de plantes ou animaux allogènes , érosion.
Voilà pour les problèmes purement environnementaux, qui sont finalement minimes par rapports à d'autres régions surpeuplées, mais à cela s'ajoute des antagonismes entre habitants anciens et nouveaux arrivants. Alors que certains s'attachent à des valeurs d'une agriculture qui vivote, on vient désormais dans le Montana pour s'offrir une belle propriété pour le loisir et donc apparaissent des intérêts divers. Spéculation, économie tributaire des subventions du fédéral mettent cet état en sursis. Il ne peut s'en sortir que via des soutiens extérieurs eux-mêmes dépendants d'alliés etc.

Ce n'est pas le cas de l'Ile de Pâques qui est l'île la plus isolée du monde où pourtant une population polynésienne s'est installée vers +/- 1200. Cette date est toujours sujette à débats.  Divisée en une douzaine de clans répartis comme dans un gâteau dans des zones aux ressources inégales, malgré des différends, ils ont pu coopérer et s'échanger des biens. Initialement une foret tropicale, l'île a peu a peu été déboisée pour la construction de pirogues, de rails de transport des fameuses statues acheminées vers les côtes. Les rats importés par les premiers colons furent aussi responsables du déboisement définitif, se nourrissant des noix de palmiers. Livrés à la famine ils n'auraient eu d'autre choix que de s'entretuer pour s'approprier les dernières ressources et de pratiquer le cannibalisme. La situation particulière de l'île (éloignement, latitude, climat...) a contribué à la déforestation totale sans une bonne régénération contrairement à d'autres terres insulaires à la situation plus propice.

Dans le cas des Iles Pitcairn (celles ci ayant une histoire avec les mutins du Bounty), Henderson et Mangaréva, elles ont entretenu pendant plusieurs siècles une relation d'interdépendance. En effet, chacune possédant des atouts, leur population a vécu d'échanges. Une fois que le maillon central Mangaréva a connu la déforestation, la famine, la micro guerre civile et le cannibalisme, cela a entrainé le déclin et la totale disparition des habitants de Pitcairn et Henderson.

Dans le Sud-ouest des Etats-Unis, les Anasazis ont connu aussi un climat sec peu propice à l'agriculture. Victimes eux aussi de leur propre appétit à déforester, ils ont du peu à peu aller chercher de plus en plus loin leurs grands arbres et devenir dépendants en toutes les denrées alimentaires. Ils ont aussi été victimes d'une trop grande démographie et ont fini par devoir fuir leur cités creusées dans les montagnes après des guerre civiles vers le XIIIème siècle.

Les Mayas sont un des peuples les plus évolués d'Amérique et se sont comptés en plusieurs millions. Ils étaient un des seuls à maitriser l'écriture mais ont manqué d'invention comme la roue, les animaux de trait, le métal et de cohésion entre les mini empires qui se faisaient la guerre. Victimes aussi de déforestation et ainsi de détérioration des sols ils s'étaient presque auto annihilés avant le coup fatal lors de l'arrivée des espagnols.

Jared Diamond s'attarde particulièrement sur l'histoire des Vikings au Groenland qui est plus complexe et rassemble 5 éléments en même temps qui les ont conduit à leur perte. Le réchauffement climatique (appelé optimum climatique médiéval) vers 1000 après JC qui avait permis à la brute Erik Le Rouge d'atteindre ces terres septentrionales de l'Atlantique Nord a été suivi du petit âge glacière qui a fortement rendu difficile la circulation et la survie. Le climat doux de l'époque les a conforté dans un établissement durable. Contrairement à d'autres îles relativement proches de la terre mère Norvège colonisées comme les Orcades, les Shetlands, les Iles Féroé et même l'Islande, le Groenland se trouvait beaucoup plus loin. Il en va de même pour le Vinland canadien. Le climat groenlandais est devenu hostile, l'élevage bovin rendu difficile par la courte saison végétative et le peu de terres propices au pâturage. L'influence de la mafia chrétienne grandissante a contribué à des gaspillages de ressources pour construire des églises, entretenir l'opulence du clergé et financer les croisades. Le côté conservateur des norvégiens les a empêché d'imiter les Inuits qui eux ont perduré dans ces mêmes conditions et de s'adapter. Coupable une fois encore de la destruction de son milieu (défrichage pour l'élevage, érosion qui en découle impossibilité de régénération naturelle..), l'humain a pu de moins en moins perdurer. 
Les chefs vikings n'ont eut le privilège que de mourir de faim les derniers.
Les carottages des archéologues ont permis d'étayer cette analyse de l'existence de la faune et flore qui s'est éteinte à l'arrivée des vikings et est réapparue à leur déclin pour de nouveau décroitre au retour des hommes en 1924. Des difficultés à se procurer du fer ont aussi empêché une réelle domination sur les Inuits (ce qui fut le cas pour les Espagnols sur les peuples précolombiens). 

Pour apporter quelques notes positives dans cette litanie d'échecs, l'exemple des Papous qui ont vécu isolés depuis 40 000 ans est un exemple de pratiques résilientes. Encore plus étonnant, l'île de Tikopia a réussi a survivre au moins depuis 3000 ans en étant une toute petite communauté de 2000 âmes qui a su se maintenir en autarcie. Ils ont eu l'intelligence de maitriser leur démographie, de pratiquer une agriculture intensive mais vertueuse en ne foutant pas tout en l'air. Une coopération sans trop de hiérarchie a sans doute aussi été une des clés de leur succès. Alors qu'ils avaient pratiqué un temps l'élevage de porc, car c'était une tradition, ils ont pris une décision radicale au XVIIème siècle en arrêtant cette pratique dispendieuse d'énergie, préférant se nourrir directement de végétaux et de pêche raisonnée.

Au Japon, on a su aussi tirer son épingle du jeu dans un milieu beaucoup plus vaste et peuplé, tenu d'une main de fer par les Tokugawas. On a eu l'intelligence d'une gestion forestière rigoureuse mais aussi l'idée d'aller appauvrir d'autres milieux que les leurs. Le contrôle de la démographie a aussi fait ses preuves.
D'autres exemple de succès de civilisations sont légion qui s'expliquent par une alchimie entre milieu écologique et sa gestion mais aussi de facteurs d'échanges commerciaux et guerriers.

Dans la troisième partie, on aborde les sociétés contemporaines comme le Rwanda. Des tensions ethniques mises en exergue par une surpopulation criante attisée par le colonialisme et la corruption on finit par mettre le feu aux poudres et faire s'entretuer des centaines de milliers de gens.
Sur l'île d'Hispaniola, deux nations pourtant très proches avec des ressources de base similaires sont devenues complètement différentes: Haïti une terre quasi désertique surpeuplée étouffée de pauvreté et sa voisine République Dominicaine, certes pauvre mais avec des parcs naturels et une agriculture plus efficace. 1/3 du territoire est placé sous statut de réserve naturelle mais cela a été rendu possible malheureusement par un système dictatorial. On peut comparer la société haïtienne et dominicaine aux Inuits et aux Vikings qui dans un même milieu ont disparu ou triomphé selon différents choix sociétaux.

La Chine est un géant où tous les superlatifs sont de mises, son influence sur le monde est immense. Une relative unité multiséculaire l'a conduite a pouvoir opérer de grands changements sur un énorme territoire et une population nombreuse de manière autoritaire. Elle est responsable d'un sacré désastre écologique à l'échelle mondiale mais aussi a un pouvoir sur son redressement relatif. Le chapitre est assez déprimant ainsi que le suivant sur l'Australie.

Il est intitulé L'Australie "minière" car depuis le début de sa colonisation par les anglais fin du XVIIIème siècle, elle n'a servi que de chèvre à lait à l'empire britannique au mépris de toute réflexion de pérennité. On arrive, on pille tout ce qui est possible, puis on va on peu plus loin, comme dans une exploitation minière où rien n'est renouvelable. Contrairement à une agriculture respectueuse des sols, on s'est cru dans un environnement anglais mais la terre et le climat étaient tout autre. On a voulu aussi importer les espèces non adaptées comme le mouton, le lapin, le renard sans parler de centaines de plantes invasives.
Aberrations sur aberrations dans ce système australien lui aussi coupable d'un des plus grands désastres et qui œuvre durablement au réchauffement climatique (élevage, défrichage, salinisation etc.... la ribambelle habituelle de destruction).

La quatrième partie se veut légèrement optimiste pour l'avenir, Jared Diamond tente de souligner les raisons qui poussent différentes sociétés à effectuer des actions délétères. Par méconnaissance pure des conséquences, par amnésie du passé, par échec de tentative de redresser la barre, par conflits d'intérêts immédiats/sur le long terme.
Des exemple sont expliqués d'exploitation qui apparaissent comme les plus polluantes aux yeux des écologistes mais qui contre toute attente peuvent se révéler assez respectables pour l'environnement dans certains rares cas . Connaissant les ravages que peuvent causer de grande catastrophes largement médiatisées (marées noires, explosions...), les compagnies pétrolières préfèrent prévenir que guérir (c'est mieux pour leur portefeuille) et ne pas s'attirer les foudres de certaines population locales.
L'industrie minière est bien plus génératrice de pollutions quasi éternelles que la pétrolière mais elle est moins spectaculaire. Pourtant les eaux usées, des produits utilisés pour extraire le minerai qui donneront le fer, le cuivre et autres métaux usuels sont dévastateurs pour la faune et la flore locale et globale.
L'agroforesterie est bien sûr génératrice de nombreux problèmes comme expliqué plus haut, mais de puissantes ONG tentent de faire pression avec le label FSC qui donnent une honorabilité à des pratiques de renouvellement: un arbre coupé, 2 plantés. Pour la pêche à grande échelle, il y'a le label MSC qui tente de labelliser des méthodes moins destructrices.
En fin de compte, c'est surtout le consommateur qui choisit ou non de favoriser des pratiques +/- respectables même si souvent la provenance n'est pas claire.
C'est sans doute auprès de ces méga sociétés ultra polluantes qu'il faut se réjouir d'agissements pour l'environnement pour observer des résultats significatifs sur l'ensemble de la planète.

Pour conclure, contrairement à autrefois, nous avons les connaissances historiques des effondrements de sociétés passées, des réseaux d'information et de commerces interplanétaires. Comme en Hollande et ses polders qui sont interdépendants de leur survie, qui provoquent donc une conscience collective, notre monde est désormais un immense polder dont les problèmes locaux deviennent globaux. Notre mode de vie occidental est déjà intenable mais ce sera encore plus vrai si les habitants de pays dits émergeants y accédaient. Il est grand temps de réduire la population mondiale, d'abaisser notre luxe prodigue et de conscientiser le plus grand nombre au mur qui arrive de plus en plus rapidement si nous ne changeons pas de cap.




 

Mariusz Wilk - Le journal d'un loup


Mariusz Wilk - Le journal d'un loup

Je ne comprends plus trop comment ce livre s'est retrouvé dans ma liste de lecture, persuadé que ça venait de Des Livres Rances, mais je n'en retrouve pas trace, c'est pour dire ! Seule une note de référence de son nom dans ma section Nature Writing...

Cet écrivain journaliste polonais a pas mal bourlingué surtout en Russie et contrairement à certains auteurs de référence touristique qui se contentent de lieux communs, il a passé plusieurs années au contact de la population locale. Pas n'importe où en Russie, puisqu'il a jeté son dévolu en habitant six ans dans les Iles Solovski en Mer Blanche. Sorte de microcosme qui après des traces des peuples Sami, a abrité pendant des siècles un monastère monumental et le premier modèle expérimental du goulag (SLON). Il a ainsi pu mieux cerner les mœurs, se fondre dans le décor, tout en gardant une distance de par son statut d'étranger. Ses observations, il les envoyait régulièrement à la revue littéraire française Kultura des dissidents polonais. Ces notes constituent la première partie du livre et courent de 1996 à 1998.

Elles s'enchainent de manière fluide alors qu'elles sont loin de tenir un cap précis. Pour bien nous plonger dans l'ambiance et le vocable russe, des mots en italiques rythment la narration et nous renvoient à un petit lexique en fin de livre.
Facétie de l'auteur, dès les premières pages on est balloté de définition en définition et on s'y perd un peu!
On va être confronté à l'histoire, au climat, à la géographie, aux saisons, à la faune et la flore ,l'orthodoxie, la boue, la cuisine, aux détritus qui s'entassent. A des rites funéraires, à l'alcoolisme omniprésent et puis surtout la politique. La corruption, les idéaux communistes qui s'effritent, l'arrivée du capitalisme qui met un peuple habitué à être chaperonné par un grand timonier dans l'embarras.  Son coté insulaire coute trop d'argent pour maintenir son entretien et est délaissé des pouvoirs, baigné dans la corruption et le racket, on récupère la moindre brique et ferraille de l'empire rouge et puis plus rien ne bouge, on baigne dans l'immobilisme dans un climat rude, la famine s'immisce, faute d'entretien, le courant menace de cesser sa distribution, les canalisations de péter.

La deuxième partie date de 1995 et entremêle des bribes de notes et un voyage en bateau et à pied que l'auteur a entrepris au delà du Cercle Polaire encore plus au Nord. L'ombre des premiers explorateurs anglais du XVIème siècle plane dans ce paysage fait de brouillard, de glace, balayé par les tempêtes. Il faut parfois jouer au chat et à la souris avec l'armée qui guette qui n'a pas de laissez-passer. La vodka est une obsession pour les rares pêcheurs qui peuplent ces côtes et leur apporte leur seul illusoire réconfort. 


 

Florence Bergeaud-Blackler - Le marché halal ou l'invention d'une tradition


Florence Bergeaud-Blackler - Le marché halal ou l'invention d'une tradition


Pendant 14 siècles, les exégètes musulmans n'ont cessé de s'interroger, remettre en question les interprétations du coran comme c'est le cas pour les juifs ou les chrétiens avec leur livre saint. Pour résumer, il faut distinguer ce qui licite (halal) d'illicite (haram). La viande de porc en est l'exemple le plus connu de l'impur, mais la notion d'abatage rituel était flou. Il était tout a fait accepté pour les musulmans de consommer des nourritures produites par "des gens du Livre" (juifs, chrétiens, musulmans) puisque rappelons le, ces trois religions monothéistes se basent sur une partie de l'ancien testament. Il n'existait donc pas de vrais préceptes pour une exécution de l'animal en bonne  et due forme.

En 1979, la révolution iranienne de Rouhollah Khomeini, a jeté les bases de l'islamisme et a voulu créer une véritable marque de fabrique musulmane qui irradierait le monde entier. C'était sans compter d'autres montées fondamentalistes en Arabie Saoudite ou en Egypte (avec comme tête de file Les Frères Musulmans) par exemple qui ont voulu eux aussi avoir leur propre définition de la charia. Pour les musulmans des quatre coins du monde c'était une peu le bordel qui des sunnites, qui des chiites ou autre salafistes serait le Vrai?
Les années 80 marquent aussi le début du néo-libéralisme débridé, c'est à ce moment là que les puissances musulmanes ont saisi la balle au rebond et on voulu s'octroyer aussi une part du gâteau et lancer leur propre marque: le halal. Le halal est donc lié au capitalisme industriel. Cette pratique de mise à mort des animaux est fortement inspirée de celle de la cacherout des juifs (elle plus séculaire).
En Europe, dans un soucis de moindre souffrance animale, il a été décrété obligatoire l'étourdissement avant abatage qui  serait moins vecteur de peine pour les animaux d'élevage. Les dates de mises en application semblent diverger selon les pays. Des dérogations existent  pours les pratiques rituelles pour la Shehita des juifs ou Dabiha des musulmans.

L'auteure explique ces détails des méthodes employées, des évolutions, controverses, retours en arrière, flous juridiques, guerres d'influence qui ont duré des décennies avant d'arriver à un semblant d'uniformisation de la certification halal. Ce marché est donc prometteur si l'on considère qu'aujourd'hui un quart de la population mondiale est musulmane.  Ce capitalisme porte comme étendard l'intégrisme religieux  et contrairement aux autres réseaux de la distribution alimentaire, sont gérés par des représentants du culte.  En Europe il y'a donc une complaisance vis à vis de ces méthodes d'abattage sans étourdissement contrairement aux lois en vigueur et ce en dépit d'un consensus clair concernant ce moindre mal puisque pour certains musulmans l'étourdissement ne serait pas contraire à la jurisprudence islamique. Ces pseudos-vérificateurs du label halal qui n'ont d'autre qualité que celle d'être croyant et rétribués par les autorités islamiques sont des portes ouvertes aux dérives multiples: mafias, faux halal, voire carrément des traces de porc. Au final, l'absence d'une réelle traçabilité permet la mise en vente de viande halal excédentaire dans les réseaux classiques de la grande distribution (en tous cas en France) sans y faire mention. Des consommateurs se retrouvent parfois à financer le culte à leur insu. La mode halal ne se cantonne pas à la viande, mais passe pour être un véritable mode de vie avec des vacances halal, des lignes de vêtements, des banques ...

Vaste sujet, complexe, décrit donc dans ce ouvrage sorti en 2017 qui est il faut le dire pénible à lire tant le flot d'information est important, les références citées etc... mais qui remet un peu les pendules à l'heure sur cette pseudo tradition alimentaire loin de faire l'unanimité dans le monde musulman. Certains pourraient regretter un certain parti pris par l'auteure et la taxer d'islamophobie mais ce terme est galvaudé et brandi dès qu'on ose une remise en question de l'islam.





 

Timotéo Sergoï - Apocapitalyspe



Timotéo Sergoï - Apocapitalyspe

Belle découverte de ce multidisciplinaire artiste belge qui a vécu plusieurs vies et ne cesse encore d'en vivre. Recueil de 5 fois 12 poèmes en prose qui se déroulent pleins de fraicheur, de tranchant, de révolte, d'anarchie, d'amour. Un poète sommeille en chacun de nous, qui s'ignore parfois mais personne n'est trop aveugle pour saisir la beauté où elle est, c'est à dire partout autour de nous même dans les pires moments.

"Peut-être se cache-elle à vous derrière les murs (où est la porte?) , au fond du couloir sombre (trouvez l'interrupteur ! ) ou de l'autre côté de la frontière (pas de douane à la beauté), mais elle existe".

Curieux de découvrir d'autres recueils comme celui ci qui est paru en 2020 au Editions Territoires de la Mémoire. Merci à Val pour le prêt ! 

 

Bruno Léandri - On enterre bien les Dinky Toys




Bruno Léandri - On enterre bien les Dinky Toys

Autobiographie parue en 2012 qui tournoie entre enfance et adolescence et début de l' âge adulte. Comme ligne conductrice ses copains complices de loufoqueries. Souvenirs tendres, désillusions cocasses sont au menu de ce récit au style érudit, humoristique parfois cynique. Du carrousel aux premiers émois érotiques en passant par l'école, Léandri nous conte le moment où il est passé de l'autre coté du tableau noir comme professeur. Sa période mai 68 aux longs cheveux puis ces entourloupes d'objecteur de conscience.  Parmi cette agitation idéologique de gauche, il s'est toujours méfié de ces mouvements formels, préférant la rigolade "Ni dieu, ni maitre, ni drapeau, ni slogan".

Passionnés de littérature, philosophie, ainsi qu'à peu près tout autre sujet, la période faste des hippies lui laissera des anecdotes et souvenirs de voyages vers le berceau de ce mouvement américain. Engagé au Club Med dans sa jeunesse, il y croisera Corbier et y vivra quelques aventures. Il nous livre aussi un chapitre sur la ville de Liège qu'il a appréciée et fréquentée un temps.
On termine les presque 400 pages en se demandant avec avidité quelle va être la suite, mais au final ce sera pour une autre ouvrage publié en 2015 "Nous nous sommes tant marrés".
Une lecture fort divertissante et savoureuse. 


 

Sénèque - La brièveté de la vie




Sénèque - La brièveté de la vie


Au départ c'était pour ce traité paru en 49 après JC que j'avais loué ce doublé.
"La vie n'est pas trop courte, c'est nous qui la perdons", en effet nous gaspillons trop de temps à des choses vaines, à se consacrer aux problèmes des autres , à courir après la beauté et la fortune alors qu'on peut très bien mourir demain. On attend la cinquantaine, la soixantaine pour vivre alors que c'est aujourd'hui qu'il le faut. Celui qui base sa vie sur l'avenir la conçoit sur du rien. Vanité cette étude précise de l'histoire du passé, la pratique de la musique, la beuverie, les plaisirs charnels. Le seul véritable loisir qui vaille la peine est la recherche de la sagesse. Pour ce faire, inspirons nous des illustres penseurs du passés à notre guise.
Ce court essai qui traite d'un sujet universel éternel m'a paru bien plus plaisant à lire que " La vie heureuse".