Cicéron - Devant la souffrance




Cicéron - Devant la souffrance

Je me rends compte après avoir pioché au hasard ce titre qu'il s'agit du IIe et IIIe Tusculanes de Cicéron, ce n'est pas grave car il n'y a pas de suite spécialement logique vu qu'il s'agit de sujets différents. Ces Tusculanes furent publiées en 45 avant JC durant sa retraite politique et est un manifeste stoïcien.
Cicéron est une figure notable d'éloquence de l'époque romaine quand il fut à la fois avocat, homme d'état, philosophe et écrivain.


La IIe Tusculanes donc ("Le corps souffrant") traite de la souffrance physique qui lui apparaît moins pire que le déshonneur. A force de subir dès son plus jeunes âge la douleur, on peut mieux la supporter sans sourciller. Encaisser la souffrance physique est même une preuve de vertu.
"Car le mot virtus (vertu) vient du mot vir (homme) et le courage est la qualité virile par excellence, ses deux principaux corollaires étant le mépris  de la mort et celui de la douleur". Bien sur ces propos sonnent bien macho aujourd'hui...
Comme bien souvent, il cite d'autres philosophes voire des histoires mythologiques non sans une certaine ironie envers Epicure et d'autres grecs.
Certains passages m'ont rappelé Montaigne qui on le sait s'est allégrement abreuvé d'auteurs de l'antiquité.
Tout est une questions de volonté qui peut déplacer les montagnes de la souffrance physique et les reléguer à l'état de détail...
Cela amorce le IIIe livre appelé "L'Ame malade". Les stoïciens appelaient fou tous ceux qui n'atteignaient pas la sagesse de l'âme. Lorsque que l'on éprouve la peur, le désir, l'agressivité, la compassion, l'envie, l'exaltation, la jubilation, il s'agit de désordres ou d'affections morbides.
Pour soigner les troubles de cette démence, le remède est la philosophie. La confiance en soi nous prévient de la faiblesse et la dépression.
Cicéron ne cesse de comparer l'incroyable richesse toute en nuance de la langue romaine par rapport à la grecque.
Si l'on n'est pas surpris par un malheur, il devient plus facile à encaisser. C'est pourquoi il vaut mieux se préparer au pire en toute circonstance.
Cela va à l'encontre de la philosophie d'Epicure qui lui avance que le malheur est amplifié par l'idée qu'on s'en fait. Donc il vaut mieux ne pas trop anticiper les problèmes au risques de les vivre deux fois, surtout que peut-être ils n'arriveront pas et qu'on s'est fait du mauvais sang pour rien.
Ici Cicéron réfute donc cette théorie à force d'arguments, il est grossier de penser qu'on peut atténuer une souffrance simplement par quelques jouissances matérielles, pour lui la vraie félicité est dans l'esprit.
L'auteur réfute ensuite la thèse des cyrénaïques qui affirment que le malheur vient de son caractère inopiné. Il nuance en affirmant que c'est son caractère nouveau qui nous déstabilise, non spécialement sa soudaineté.

Il faut accepter que la douleur fasse partie de l'humanité, et se rappeler qu'un jour nous mourrons tous, le temps atténue les souffrances, la force de notre esprit doit balayer vigoureusement cette peine. La méditation longue permet la dissociation de toute idée de malheur.

"Il faut toujours revenir à cette idée première qu'aucune souffrance n'atteint le sage parce que toute souffrance est vaine, parce qu'il ne sert à rien de s'y abandonner, parce qu'elle n'est pas le fruit d'une réalité mais d'une représentation, d'une subjectivité, d'une sorte de contrainte que nous nous imposons quand nous avons décidé qu'il devait en être ainsi"


 

Michel Tournier - Le médianoche amoureux




Michel Tournier - Le médianoche amoureux

Première pour moi de cet auteur français quelque peu controversé avec ce recueil sorti en 1989.
C'est une approche que j'ai trouvé originale pour une série de contes et nouvelles. La première appelée " Les amants taciturnes" nous introduit l'histoire du couple de Nadège et Yves sur fond de milieu marin normand avec une touche féministe et ce silence qui menace tout vieux couple qui ne trouve plus rien à se dire. Ils décident pour se séparer d'organiser un gueuleton de minuit avec tous leurs amis et leur annoncer leur séparation. Mais ceux ci vont se relayer toute la nuit pour raconter des histoires, ce sont bien sûr celles là qui vont suivre. A l'issue de cette courte nuit d'équinoxe d'été, il semblerait que "ce qui leur manquait en effet, c'était une maison de mots où habiter ensemble".
Variées sont ces histoires parfois très courtes, dualité et double ont leur place plusieurs fois, histoires de couples souvent illégitimes, vengeances, et même amours que la morale réprouverait.
Les conte et légendes sont plus présents vers la fin du livre avec des sortes de libres interprétations très bien narrées de mythes.
Il semblerait que l'auteur ait eu un penchant pour les jeunes enfants ... Fantasme de fiction malsain ou autobiographique? Il se justifie même comme victime du pouvoir de séduction d'un jeune éphèbe. Ces derniers d'ailleurs s'offrent véritablement à lui.
 Certaines révélations récentes affirment qu'il aurait fréquenté le réseau des hommes de la rue du Bac.

"L'évidente sagesse de ce père me réconfortait. Il savait que rien ne pouvait mieux aider son fils à entrer dans la vie qu'un protecteur européen auquel l'attacherait un contact physique. Merveilleux Islam, si éloigné du stupide fanatisme antisexuel de notre société occidentale".

Même si j'ai saisi un certain talent littéraire dans ce livre il me laisse toutefois un certain dégout bien que ce dérapage ne soit que minoritaire dans ces 20 histoires. Quand on referme le livre, on se demande même si l'on a pas fait un cauchemar.


 

Aldo Léopold - Almanach d'un comté des sables




Aldo Léopold - Almanach d'un comté des sables

C'est bien l'œuvre la plus classique de ce forestier et écologue américain paru en 1949. Cela se présente comme un calendrier qui suit les observations à faire dans la nature mois après mois. En tous cas dans le Wisconsin. La première partie du livre est l'almanach proprement dit, le cycle de la chaine alimentaire y est souvent décrit de manière poétique. Suite à un coup de foudre, un arbre vénérable est scié ce qui rappelle par les nervures le passé auquel il a survécu et les déconvenues écologiques qui ont conduit à ce glissement vers le désastre. Observations de danse de la bécasse, migration des oies, émerveillement devant le spectacle de la nature des oiseaux donc surtout mais aussi de la sylve. Partie de pèche presque commentée comme une course automobile, traque-chasse au perdrix, ...
C'est étrange ces défenseurs de la nature qui chassent et pêchent en déplorant la disparition de telle ou telle espèce... Mais c'est comme si Aldo Léopold appartenait encore à ce âge d'or où l'on pouvait encore trouver des vrais coins sauvages non souillés par la présence humaine, qu'on pouvait prélever une vie sans pour autant tout foutre en l'air. En utilisant allègrement l'anthropomorphise, il permet une meilleure assimilation d'images propres à qui sait faire changer la conscience du lecteur ignorant des considérations écologiques.

"Quelques Croquis" est  divisé en plusieurs états d'Amérique. Chapitres courts dans une sorte d'humour amer, une fois de plus l'humain qui détruit tout au nom du progrès faisant fi de la biodiversité et cassant sans pitié l'alchimie de la nature. En se débarrassant d'une espèce qui l'empêche de confortablement se chauffer, élever du bétail ou encore cultiver le blé, il provoque un déséquilibre aux multiples conséquences en chaine qui mènent vers le néant. Quand on a bien appauvri le sol de son milieu, pas grave il suffit d'aller un peu plus à l'Ouest où les Indiens furent poussé dans leurs retranchements à mesure de l'homme blanc conquérait ce nouveau monde à sa merci. Chaine alimentaire dont l'homme fait partie mais qui est le champion pour faire tanguer ce fragile équilibre. Le pionnier européen n'a pas fait qu'amener les maladies humaines, aussi son lot de pathogènes et de plantes invasives. Cela couplé au surpâturage et vous obtenez une terrain fertile aux grands incendies dont sont plus que jamais victimes certaines régions aujourd'hui. L'assèchement des marais pour en faire des monoculture de blé ou de maïs, détruit tout un biotope qui ne reviendra jamais.

Changement de ton avec la troisième partie nommée "En fin de compte" qui s'apparente vraiment à des considérations philosophiques, militantes  et moins purement naturalistes. Bien sur on ne baigne pas dans l'optimisme. Après l'exode rural, le citadin en quête de Nature court les campagnes pour se donner un bol d'air, pour retrouver ce contact originel perdu. A grand renfort de route, d'industrie du tourisme il vient saccager ce wilderness. Pour alimenter ce business de la chasse et la pêche, on élève du poisson ou du gibier pour satisfaire cette soif de combat atavique et de domination sur notre environnement;  on les lâche dans la nature et que les cannes à pêche et les fusils soient sortis des coffres des voitures qui vont de plus en plus loin grâces au nouvelles routes. Bien sur cela crée des problèmes: disparitions des prédateurs naturels (tués par l'homme), prolifération d'espèces artificialisées de faune qui ne permettent plus la régénération naturelle de la flore puisque il y a trop d'animaux qui doivent se nourrir. Quelle fierté de ramener son trophée de chasse!

Les hordes d'excursionnistes en quête de la photo du spot parfait sont peut-être un moindre mal, mais 70 ans plus tard ou tout devient instagramable, je ne serais pas aussi indulgent.
Cette recherche de la nature sauvage à laquelle certains aspirent est complètement pipée. Edward Abbey quinze ans plus tard n'a pu que confirmer et déplorer cette tendance galopante d'humanisation des espaces. On baigne dans une culture du sparadrap, dès qu'une maladie de la terre  se présente, on tente de la régler à coup de pesticide, d'introductions de nouvelles espèces non endémiques sans s'attaquer à la cause du mal. Les espèces domestiques introduites dans des pâturages propagent aussi les maladie aux espèces sauvages. L'érosion vide les terres arables et déverse tout dans les rivières.
Il faudrait une véritable éthique de la terre plutôt que des bureaux de protection de l'environnement juste bons à légiférer les chemins accessibles aux touristes. Quand l'humain comprendra qu'il n'est qu'une pièce du grand puzzle du biote et qu'il cessera de se tirer des balles dans le pied, qu'il participe activement à son déclin, une véritable conscience écologique pourra peut-être stopper le couperet. Il est illusoire de penser qu'on peut faire confiance à l'Etat pour s'occuper de la sauvegarde, le travailleur de la terre n'a que faire d'une éthique de l'après-demain si ça ne lui rapporte quelque chose de profitable demain. On n'est pas plus avancé avec une population de plus en plus hors sol qui se contente du confort synthétique du progrès sans aller chercher plus loin que sa nourriture vient du supermarché.
Seul un vrai changement de notre considération de la terre qui doit aller au delà du seul aspect économique sera notre salut. 


 

Georges Picard - Petits essais de pensée dissonante




Georges Picard - Petits essais de pensée dissonante

Deuxième découverte de cet auteur français et j'ai autant apprécié que son "Merci aux ambitieux de s'occuper du monde à ma place". Celui ci est sorti en 2019 avec ce ton agréable, sans trop de chichis qui nous fait virevolter d'une pensée à l'autre au fil des pages avec une impression de légèreté.

 L'auteur a horreur des rallonges inutiles et ne s'en cache pas. Pourtant il est partisan d'une certaine lenteur assumée qu'il expérimente dans ses rêveries, la jouissance des petites choses du quotidien mais aussi l'art pictural, musical ou littéraire. Il n'y a pas de honte à ne "rien faire" si ce n'est pour simplement profiter du moment pour se délecter de peu.
Les chapitres ne sont vont jamais au delà de six pages pour ce Montaigne contemporain qui nous distille ses états d'âme sur des sujets divers et variés. Contrairement à son mentor, il se perd moins en digressions et on n'a jamais le temps de s'ennuyer. Pêle-mêle on aborde les thème intemporels de la gaieté, la tristesse, l'imbécilité, ... mais aussi un regard plein d'effroi moderne sur nos addictions aux réseaux sociaux et à ce monde souvent trop superficiel. J'ai eu l'impression qu'il abordait des sujets plus profonds et philosophiques vers la fin de l'ouvrage avec toujours quelque références littéraires ou autres. Promis je n'ai ajouté que 2-3 livres à ma liste à lire!



 

Charlotte Bourlard - A trois, on saute




Charlotte Bourlard - A trois, on saute

Pour son deuxième roman sorti en mars 2025, Charlotte Bourlard nous emmène dans une sorte de road movie à la sauce nihiliste dont la devise serait "Jouissons sans entrave". Apprêtez-vous à saisir la balle au rebond, à prendre le train en marche à toute vapeur.
Son écriture tranchante, irrévérencieuse ne s'encombre pas de rallonges. Elle revendique sans complexe sa "Liégitude" au risque de dérouter les lecteurs français.  Phrases courtes, chapitres concis, on assiste à une succession de pérégrinations de Rachel et Marie (sans oublier Simone). Celles-ci flirtent bien souvent avec une certaine dose de dégout et de crasse. J'ai même éprouvé un peu de nausée..
Ce n'est pas vraiment un conte de fées, plutôt une épopée à la façon "Tueurs nés" dans laquelle ces copines vont joyeusement virevolter en vivant une vie sans lendemain, telles des enfants gâtées qui ne se refusent rien. Peut-être est-ce une revanche sur la vie qui ne les a pas favorisé?
Leur allure et leur charme semblent leur ouvrir toute les portes de la confiance. Leur petit cocon est une péniche accostée à quai de Meuse dans laquelle elles vont profiter de leurs larcins. Ces aventures pourraient ainsi continuer à l'infini mais  à force de bruler la chandelle par les deux bouts ...
Pas de temps morts pour cette aventure qui reste fidèle jusqu'au bout à la psychologie de ses personnages.


 

Blaise Leclerc - Faites tourner ! Les rotations dans mon potager




Blaise Leclerc - Faites tourner ! Les rotations dans mon potager

Intéressant ouvrage sorti en 2016 aux éditions Terre Vivante qui se focalise comme le dit bien le titre sur les rotations de cultures au jardin. Il est important de maitriser d'abord les grandes familles botaniques avant de bien saisir la mise en place d'un plan de culture: alliacées, apiacées, astéracées, brassicacées, chénopodiacées, cucurbitacées, fabacées, solanacées sont les plus courantes.
Celles ci ont des exigences plus ou moins fortes selon les variétés mais il est important de manière générale de respecter un délais de 4 ans avant de recultiver sur la même parcelle un autre légume de la même famille. Cela peut relever du casse-tête si l'on ne dispose que d'un petit jardin et plus encore lorsque l'on pratique les cultures associées. Les plantes soi-disant compagnes n'ont pas toujours de fondement avéré, mais certaines comme carottes / alliacées ont un effet bénéfique (la mouche de la carotte est repoussée par le poireau et inversement) encore faut-il être précis dans la concordance des semis/repiquages...
Une bonne distance entre les plans, un sol couvert et correctement amendé, une exposition adaptée et la culture de fleurs qui attirent les auxiliaires sont aussi des gages de réussite.
Le grand bénéfice de ces rotations est surtout de ne pas épuiser son sol, car une même variétés puise toujours les mêmes nutriments mais aussi pour casser le cycle de certains ravageurs (nématodes, taupins, mouche, altises...) ou pathogènes (mildious, anthracnoses, botrytis etc). La fin de l'ouvrage est un focus sur ces insectes ravageurs ou maladies cryptogamiques.
L'utilisation de cycle d'engrais verts peuvent à la fois enrichir le sol mais apporter une cassure aux proliférations parasitaires en tout genre. A condition bien sur de connaître la famille de ces engrais (la moutarde est une brassicacée, la vesce une fabacées etc ) et de ne pas les faire se succéder après leurs cousines.
L'auteur propose des grilles de rotations à mettre en place chez soi, l'idéal étant de posséder 12 parcelles différentes pour les mettre en pratique.
Enfin des fiches sur chaque légume phare résument un peu les besoins, précédents favorables ou défavorables de chaque spécimens.
A côté des ouvrages plus généralistes, il est parfois indispensable de se focaliser sur certains sujets précis si l'on veut progresser.


 

Lord Byron - Poèmes



Lord Byron - Poèmes

Titre pour le moins peu original pour ce court recueil sobrement intitulé qui regroupe plusieurs poèmes de ce célèbre anglais. Il s'agit d'un choix épars d'œuvres mais classées chronologiquement écrites entre 1807 et 1824. La traduction bien sûr enlève un peu de la force de la langue originale, aussi ça m'est parfois passé un peu au dessus de la tête. Peut-être n'étais-je pas à ce moment bien luné pour la lyre?
J'ai quand même été séduit par le célère "Ténèbres" qui donnait dans le sombre et apocalyptique.
"Prométhée" figure aussi dans le recueil et fait figure de classique.
Enfin on termine par les derniers vers écrits par Byron "J'achève ce jour ma trente-sixième année" trois mois avant sa mort en 1824.