Marc Meganck - Génération Raider




Marc Meganck - Génération Raider

Très belle surprise cette pioche dans le rayon belge de la bibliothèque!
Ce roman est sorti en 2007 et a été réédité en 2024 et c'est peut-être grâce à ça qu'il n'était relégué aux réserves.
C'est le premier roman de cet auteur qui a depuis enchainé les sorties dans différents genres: polars, nouvelles, essais, histoire et archéologie.
Sorte d'autobiographie d'un scribouillard un peu loser qui tente de se lancer en littérature. Il est prié par un obscur éditeur de sortir une "sociologie des bars bruxellois" mais sa consommation alcoolique aura raison de son engouement pour prendre la plume. Un de ses compagnons de beuverie est censé illustrer en photos ces débits de boissons mais il est fortement accaparé par un tour d'Europe du cul.
Dans un style drôle, qui ne se prend pas au sérieux, il arrive à créer une ambiance mêlant nostalgie, rêverie mais surtout désillusion pour cette génération dont l'année 1986 sonne comme un repère existentiel. Bien sûr une histoire d'amour va venir secouer un peu ce quotidien fait d'errances (parfois un peu répétitives), de questionnements. Un peu road movie, un peu bukowskiesque, bien belge mais sans trop tomber dans la caricature, je ne me suis pas ennuyé dans cette chronique cynique.


 

Didier Daeninckx - Ceinture rouge précédé de Corvée de bois




Didier Daeninckx - Ceinture rouge précédé de Corvée de bois

Petit livre acheté lors d'une bourse qui contient deux nouvelles d'une cinquantaine de page parues en 2003 qui me permet d'attendre de retourner faire le plein à la bibliothèque.
"Corvée de bois" nous emmène sur les traces des militaires français en Algérie qui accomplissent des faits de tortures sur les populations locales, de censure et de propagande.
"Ceinture rouge" est beaucoup plus dans le style Daeninckx, avec son ambiance de banlieue et sa morale bienveillante pour les minorités ethniques de l'immigration. Un brin de nostalgie plonge le héros dans le passé de sa grand-mère qu'il a peine connu et dont il va tenter de reconstituer la vie militante.



 

Christan Deflandre - Dictionnaire illustré du pet




Christan Deflandre - Dictionnaire illustré du pet

Par je ne sais quelle association d'idée, je me suis mis à rechercher si une littérature existait sur le pet et je suis tombé sur cet ouvrage sorti en 2008 mais qui est intemporel.
Richement illustré de nombreuses créations principalement du début des années 1900 qui servirent souvent de carte postale, on comprend que l'humour scatologique vivait ses heures de gloires en ce début de siècle.
L'auteur a compilé facétieusement par ordre alphabétique de nombreuses références à la proute, sujet ô combien universel. Il y'a aussi de nombreuses chansons ou poèmes, extraits de Rabelais qui concernent le vent. A conseiller pour lire quelques pages de temps à autre pour se redonner le sourire ou lorsqu'on a le cigare au bord des lèvres au cabinet.
L'auteur est créateur et animateur du Musée de la carte postale à Antibes.


 

Gilles Lipovetsky - L'empire de l'éphémère




Gilles Lipovetsky - L'empire de l'éphémère - La mode et son destin dans les sociétés modernes

Daté de 1987, ce deuxième essai de ce philosophe sociologue français ne nous emmène pas dans les coulisses des strass et paillettes, mais plutôt aux origines de ce phénomène appelé Mode qui est apparu en Occident dès le XIVème siècle. Bien sûr plusieurs courants architecturaux ou d'art se sont succédés bien avant.
La mode est par définition éphémère et s'oppose aux traditions tournées vers le passé. Alors que les civilisations plus tribales avaient cultivés des signes distinctifs pour revendiquer une appartenance à un groupe social, puis que dans l'Antiquité le vêtement n'était que fonctionnel et assez similaire tout sexe confondu, le bas Moyen Age voit se développer la frivolité d'apparat.


Culturellement cette époque amène une conception plus tournée vers le plaisir ici bas paradoxalement aux préceptes de la religion chrétienne en usage en Europe.  Une prise de conscience de l'angoisse de la mort va aussi développer des pratiques qui nous ferons jouir de la vie maintenant.
Ce sont les prémisses de l'individualisme qui seront un terrain fertile au développement de cette course effrénée à l'originalité dans l'habillement pour se distinguer de son voisin. On a longtemps cru que cette émulation était due uniquement à la concurrence entre classes sociales puisque la belle toilette était synonyme de prospérité, mais le processus est plus complexe. Jusqu'à lors la séduction résultait plus de faits d'armes chevaleresque que de subtilité. C'est aussi cette nouvelle sémantique de galanterie poétique, de courtoisie et de raffinement qui va contribuer à cette recherche toujours plus poussée à force de détails à être dans le coup. " Le présent est jugé plus prestigieux que le passé".


Plus récemment, on est entré dans la Mode de cent ans, c'est à dire entre grosso modo 1850 et 1950. Celle ci va de pair avec la bureaucratie, le capitalisme, l'ère moderne de l'industrialisation. Alors que les couturiers était relégués au rôle subalterne, on assiste à l'émergence de véritable star de la couture. Celles ci sont souvent proches des têtes couronnées qu'elles ont l'honneur d'habiller. Du clinquant et tapageur, on tombe dans une mode moins ostentatoire, le chic doit être sobre et discret.
Les gouts sont très fluctuants et les créateurs doivent sans cesse s'adapter et proposer pléthore de modèles dont seuls une poignée aura du succès. Les défilés deviennent monnaie courante et c'est seulement après l'approbation du public que les séries peuvent être lancées en plus grandes séries. Le mode est devenue presque exclusivement féminine mais aussi plus accessible aux classes sociales moins riches. Elle sera dès lors associée à la séduction, pouvoir prétendument du "beau sexe". Une certaine revendication de la liberté créatrice se développe dans une sorte de démocratisation généralisée de l'esthétique.


Après les années 1950, se développe ce qu'on appelle le "prêt-à-porter" qui va ouvrir les portes de la  production de masse et peu à peu gommer l'accès à la mode de l'exclusivité bourgeoise.
Publicité, griffes seront à la porte de (presque) n'importe qui. Il faut paraitre jeune, être dans le coup, ne surtout pas ressembler à ses parents. C'est aussi dès les année 1960 que la mode va redevenir aussi masculine, désinvolte moins emprunte d'idolâtrie. Les modèles ressemblent au commun des mortels. Le culte de la jeunesse, du narcissisme de plus en plus poussé va créer un nouveau marché plein de lotions pour la peau, de parfums, de vêtements de sport ...


Pour rappel le livre est sorti en 1987 donc il n'est pas au fait des dernières tendances de ces presque trente dernières années, mais il semble que dans les années 80, il y ait eu une fusion de tous les styles. Le culte de l'hédonisme promeut le plaisir individuel plus que l'acceptation sociale. Le temps du ricanement ce qui est démodé est révolu. Mais le consumérisme pousse toujours à acheter plus, plus souvent pour flotter dans l'allégresse de la nouveauté voire pour palier à un moment de cafard.

Dans la deuxième partie du livre, on prend un peu de recul avec la "mode vestimentaire" pour parler plus globalement de l'Ephémère. L'obsolescence programmée n'est plus un secret et devient de plus en plus la norme à mesure que le système a compris que si on veut engendrer plus de profit, on a plutôt intérêt à produire de la mauvaise qualité pour que les gens achètent plus et plus souvent. D'où un culte de la Nouveauté qui s'est installé et qui paradoxalement nous fait déserter le matérialisme, l'amour de l'objet pour un amour de l'éphémère, du neuf. Pour l'auteur, ce processus de mode, aurait tendance à nous préparer au changement plus qu'à l'immobilisme et nous permettrait de mieux nous adapter aux futurs bouleversements... Mais bien sur ce postulat est plus complexe et l'ère postmoderne nous façonne toujours plus au monde de la Séduction. On la retrouve partout, tout le temps avec la publicité, la culture pop, les films, séries. Tout se ressemble avec juste des petites nuances de différence, il ne faudrait pas déstabiliser trop le public. Même la politique s'en mêle, je suis cool regardez je suis comme vous, votez pour moi ! On veut toujours plus de stars, d'idoles pour nous faire rêver à cet univers inaccessible, accéder à l'évasion.


L'individualisation hédoniste nous pousse à de plus en plus prendre soin de soi, bien-être et plaisir sont le mot d'ordre, culture du loisir, l'Information sujette au dictat du show. Il faut toujours que l'info soit brève, claire, simple.
Les médias de masse se multiplient et permettent un multiplication de point de vue, une plus grande individualisation d'opinion. Opinions qui deviennent de plus en plus molles, fluctuant au grés des jours. Mais cette affluence de nouvelles participe au débat collectif, entretient les confrontations d'avis. L'engagement envers une idéologie est de plus en plus légère, plus personne n'est prêt à mourir pour ses idées. Là aussi la frivolité est de mise.
L'augmentation des population scolarisée laisse plus de place à la rébellion de la jeunesse.


Mai 68 n'était pas une contestation profonde, plus un exercice de style pour prouver qu'il est encore possible de se rebeller dans une vie pas encore écrasée par le travail. Puis, la libéralisation prend place à tous les stades aidée par ce nouveau culte individualiste de compétition.
A force de se renouveler, la mode au sens large finit par revenir à son point de départ: le conservatisme, le traditionalisme, antagonisme entre rétro et néo. Alors que la libérations des mœurs dominait, la rigorisme fait son grand retour avec quelques nuances en plus.


" Si l'homme démocratique a un gout naturel pour la liberté, il a une passion encore plus ardente pour l'ordre public, il est toujours prêt, dans les circonstances troublées, à renoncer à ses droits pour étouffer les germes du désordre"


Bref, à force de multiplications de modes de pensée, d'une saturation d'information disponible à tout un chacun, on est libre de se façonner une idéologie à la carte, d'être moins soumis à de quelconques diktats.
" Gardons-nous de toute vision béate: les réactions impulsives du public, les sectes, les différentes croyances ésotériques et parapsychologiques qui défraient fréquemment la chronique, sont là pour rappeler que les Lumières n'avancent pas sans leur contraire, l'individualisation des consciences conduit aussi bien à l'apathie et au vide intellectuel, à la pensée-spot, au salmigondis mental, aux adhésions les plus déraisonnables, à de nouvelles formes de superstitions, au "n'importe quoi" " . 


 

Julie Schwob - Encyclopédie pour tout conserver




Julie Schwob - Encyclopédie pour tout conserver

Sous ce titre racoleur, un vaste volume sorti en 2018 qui renseigne les technique de conservation des aliments. Pratique quand on a la chance d'avoir un peu d'abondance au jardin et qu'on veut stocker pour avoir de tout toute l'année ou du moins varier un peu des denrées de saison.
Un petit tableau renseigne les meilleurs types de moyens pour chaque aliment entre le séchage, la congélation, les confitures, gelées, pickles, traitements thermiques, huiles, salades liqueurs... Richement illustré il aurait gagné en maniabilité en réduisant un peu la taille du livre surtout que la moitié des plus de 400 pages est remplis de recettes de "grands chefs" dispensables selon moi. Mais bon, il est peut être utile aux gens en manque d'inspiration de pouvoir utiliser plus facilement leur stock.



 

Emil Cioran - La chute dans le temps




Emil Cioran - La chute dans le temps

Pour continuer  dans le sombre et se donner une solide dose de désespoir, rien de tel qu'un bon Cioran!
Celui est paru en 1964 et enchaine plusieurs petits essais qui n'ont pas vraiment toujours de rapport avec le titre ...
Civilisés tourmentés versus "barbares" innocents et heureux, notre faculté à penser nous mettrait dans la situation fâcheuse de la souffrance atroce. Notre capacité à nous rendre compte de notre insignifiance, notre médiocrité, nous plonge dans les tourments de l'enfer. Le scepticisme n'a pas de sens, ainsi que la vie humaine, il est plus confortable de se vautrer bêtement dans la religion. Une en chassant une autre, l'histoire d'Adam et de la Connaissance est l'histoire d'une vanité de plus à notre triste palmarès. La recherche de la gloire, de la reconnaissance nous abaisse encore plus, c'est pourtant le but ultime de certains. Pas toujours simple de comprendre tous ces soliloques tortueux...

"Sur la maladie" nous entraine sur le sujet de la souffrance, ce n'est qu'à travers elle que l'on peut vraiment parler de Vie. Sans elle, nous ne faisons que la survoler, la souffrance nous rappelle à quel point nous sommes vivants, que la mort est à deux pas. Bien portants nous sommes capable de compassion, mais malades, seule notre peine compte et existe, on voudrait que le monde entier la partage.
Une chapitre est consacré à Tolstoï, son évolution dans sa pensée, son génie à décrire l'agonie.
 
"Haïr le monde et se haïr, c'est prêter trop de crédit au monde et à soi, c'est se rendre inapte à s'affranchir de l'un et de l'autre".

Méfions nous aussi de la sagesse qui bien souvent nous fait fuir de notre nature profonde et est source de frustration.
Pour clore, il est question de tomber du temps, de passer de l'éternité au temps qui fuit, échappe et puis de sortir du temps même pour tenter de reconquérir une innocence originelle. 

"J'entasse du révolu, ne cesse d'en fabriquer et d'y précipiter le présent, sans lui donner le loisir d'épuiser sa propre durée. Vivre c'est subir la magie du possible ; mais lorsqu'on perçoit dans le possible même du révolu à venir, tout devient virtuellement passé, et il n' y a plus de présent ni de futur. Ce que je distingue dans chaque instant, c'est son essoufflement et son râle, et non la transition vers un autre instant. J'élabore du temps mort, je me vautre dans l'asphyxie du devenir". 


 

Earl Thompson - Un jardin de sable






Earl Thompson - Un jardin de sable

Nous y voilà à cet homonyme de Jim, et bien qu'ils soient tous deux américains, ils partagent aussi le  genre rude, malsain et violent.
Ce premier roman œdipien d'une trilogie d'inspiration autobiographique sorti en 1970 a pour colonne vertébrale la famille MacDeramid et plus particulièrement Jack peu avant la deuxième guerre mondiale dans une Amérique touchée de plein fouet par la Grande Dépression.
Le récit virevolte entre différentes étapes de la vie de ce jeune garçon qui va subir les plus durs revers de l'existence.
De père suédois qui va rapidement disparaître dans la nature, il est élevé par ses grands parents et sa mère Wilma qui rêve d'une vie facile. Celle ci va rapidement comprendre que la prostitution est une solution pour survivre. Ses tentatives pour une vie meilleure vont se solder par le même cercle vicieux, inlassablement même le jour où elle revient au bercail pour emmener son fils dans un illusion de terre promise.
Alors que ses grands parents ont toujours trimé dur, ne concédant que de mauvais gré aux aides de l'assistance publique, Jack n'aura pas la vie facile mais goutera quand même à quelques enchantements de l'enfance.
Une fois sur les routes avec sa mère et son alcoolique d'amoureux, les velléités de trouver un boulot stable se solderont par le néant. Les larcins constitueront une bonne partie de leur quotidien au risque de se faire prendre à ce jeu... C'est ainsi que de ville en ville ils recommenceront les mêmes travers, subiront les mêmes violences sans sortir la tête hors de l'eau.
Malgré la sordidité de certaines scènes, la vulgarité constante, il y a aussi une trame d'amour entre un fils et sa mère...
La fin de ces presque 800 pages annonce "Tattoo" le deuxième roman de Earl Thompson.
Merci à Carine et Charlotte Bourlard qui m'ont conseillé ce livre sombre !



 

Aldous Huxley - Temps futurs




Aldous Huxley - Temps futurs


Roman d'anticipation dystopique paru en 1948 qui est assez court, mais il est présenté d'une manière qui étonne un peu. En effet après un prologue qui raconte une trouvaille de manuscrit de scénario de film jeté à la poubelle par Hollywood, on est plongé dans ce récit sous la forme déroutante et un peu lourde d'un synopsis de film. Peut-être est-ce aussi une manière de critiquer l'industrie cinématographique de l'époque, car il y a aussi dans l'histoire une romance quelque peu caricaturale.
 
En 2108 la Terre a connu la Troisième Guerre mondiale qui s'est soldée par un anéantissement quasi total de la vie à cause de LA bombe nucléaire. Seule la Nouvelle Zélande a été épargnée et après que se soit dissipée une partie de la radioactivité, une équipe va partir à l'assaut de la redécouverte de l'Amérique. Là bas des humains qui ont subi une mutation tentent de reprendre une vie normale, pillant les tombes pour se vêtir, la nourriture leur fait cruellement défaut. L'homme et sa manie autodestructrice en est responsable, plus rien ne pousse car il bien bousillé le sol.
Sous les aspects d'un roman de science-fiction, il s'agit surtout d'une critique de l'homme moderne qui perd le contrôle de sa domination de la Nature, des dérives religieuses et de la société de consommation ainsi que du capitalisme et du communisme.
Dommage que le côté synopsis gâche un peu la fluidité du récit.

A l'instar de beaucoup d'animaux, le cycle de reproduction est devenu saisonnier et les enfants conçus hors de cette période sont atrocement handicapés. Une nouvelle "église" a vu le jour et contrôle les mœurs de la population. En gros rien n'a changé en ce qui concerne la mainmise d'une minorité sur la majorité, seul a changé le nom du culte. La femme étant réduite à rien, elle est d'ailleurs appelée "vase".


 

Pablo Neruda - Les premiers livres






Pablo Neruda - Les premiers livres

Je ne connaissais pas ce poète chilien qui fut aussi homme politique né au début du XXème siècle et mort en 1973 dans d'obscures circonstances sur fond de dictature de Pinochet.
Merci à Rebecca pour le conseil.
Ce recueil compile donc ses premières œuvres poétiques en vers et en prose parfois écrites à l'adolescence. Il serait fastidieux d'énumérer tous les titres mais son plus connu "Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée" fait partie du lot.
J'ai parfois eu du mal à rentrer dedans comme c'est souvent malheureusement le cas lors de textes de poésie concis, mon esprit se dispersant facilement. J'aurais tendance à mettre ça sur le compte de la traduction mais ce serait un peu malhonnête de ma part. Peut-être n'étais-je pas assez ouvert au genre à ce moment là.
Les thèmes traitent pas mal d'amour, de rêves mais aussi de la mer. Quelques textes dévoilent déjà une tendance à la contestation. Difficile d'en dire plus car j'avoue avoir un peu tardé à rédiger ce petit préambule et que ma lecture me semble déjà lointaine.